Sunday, September 14, 2014

Tibet, près de 70 immolations par le feu

On peut comprendre le geste de Mohamed Bouazizi, le jeune tunisien qui a préféré mourir que de vivre dans la misère (les autorités lui ayant confisqué son outil de travail, une charrette de marchand ambulant). En s'immolant par le feu le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi fut à l'origine d'un mouvement social qui se répandit dans toute la Tunisie et mit fin à la dictature.

Au Tibet, les immolations par le feu de moines bouddhistes posent une question : 

Comment des moines peuvent-ils être affectés par les méandres de la politique et les autres illusions du samsara au point de s'autodétruire ? Tous les bouddhistes savent que l'existence humaine est trop précieuse et trop difficile à obtenir pour être gaspillée.

Dans le bouddhisme il est possible de mettre fin à ses jours en prétextant le suicide altruiste. En effet, selon les Jâtakas (les récits des nombreuses vies antérieures du Bouddha), Shākyamouni, avant de devenir le Bouddha historique, aurait dans une lointaine existence offert son corps à une tigresse affamée allaitant 5 tigrons. Ainsi, la notion de suicide altruiste permet de manipuler des personnes dans un but social, politique ou militaire. Durant la seconde guerre mondiale, les kamikazes étaient « bénis » par des responsables religieux du Japon, des dignitaires bouddhistes et des prêtres shintoïstes. En outre, les lamas tibétains propagent une doctrine guerrière parmi les initiés de Kalachakra. Dans une vie future, ces initiés seront, leur dit-on, les combattants glorieux de Shambhala qui viendront établir le nouvel ordre mondial de la bonne loi ou du saint Dharma ; le suicide altruiste ne crée pas de mauvais karma.

Autre chose, sans pour autant dédouaner les autorités non démocratiques de Chine, les personnes qui connaissent un peu la fausseté des hiérarques tibétains et les ambiguïtés du dalaï-lama sont toujours prudentes sur la question de la répression des libertés au Tibet. Personnellement, il y a quelques années, j'avais parcouru une grande partie du Kham et le nord du Yunnan sans être inquiété par la police chinoise. Pourtant, j'avais souvent revêtu ma tenue monastique (à l'exception du gilet bleu, cette tenue est identique à celle de l'école du dalaï-lama).

Dans le Yunnan, à Shangrila (anciennement Zhongdian en chinois et Gyalthang en tibétain), j'avais rencontré un américain installé dans cette région comme éleveur de bétail. Pour rien au monde, il aurait envisagé de repartir aux USA. Quand on a vu le Yunnan, il est facile de comprendre ce yankee. Mais, c'est bien connu, la privation de liberté enlaidit tout...

On ne peut nier que les Hans, l'ethnie chinoise majoritaire, posent des problèmes au Tibet et dans d'autres régions de Chine où vivent les shǎoshu mínzú, littéralement « peuples en petit nombre », c'est-à-dire les « minorités ethniques ». En effet, les Hans sont de redoutables concurrents pour les commerçants, artisans, ouvriers, employés, chômeurs... de ces minorités. De plus, au Tibet, la politique de sédentarisation accentue les tensions. Les Tibétains sont forcés d’installer des clôtures de barbelés autour de leurs troupeaux. « Les nomades tibétains, écrit la réalisatrice Geneviève Blault, qui avaient réussi à préserver leur mode de vie ancestral jusqu’à tout récemment, voient désormais leur existence menacée au quotidien. Le gouvernement de Beijing est convaincu que la population nomade doit accéder à des standards de développement occidentaux. En 2010, les autorités chinoises visaient un taux de sédentarisation de 80% des nomades à la grandeur du plateau tibétain. »

En réalité, comme en France et partout dans le monde, le peuple tibétain est confronté aux problèmes générés par le capitalisme et la mondialisation (chômage, pauvreté, domination de l'argent, despotisme oligarchique...). 

Ce qui est certain, les Tibétains n'ont pas l'intention de restaurer l'ancienne dictature religieuse des lamas.

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