Le naturel s'appelle la
Voie.
La Voie n'a ni nom ni
forme :
C'est simplement
l'essence,
Simplement l'esprit
primordial.
Le Secret de la Fleur d'or est un
manuel de méthodes de clarification de l'esprit à l'usage du
profane, fondées sur des enseignements bouddhique et taoïste.
Florilège des techniques « psycho-activatrices » présentées dans
les anciens classiques de la spiritualité orientale, ce livre décrit
un moyen naturel de libération mentale pratiqué en Chine pendant
des siècles.
La méthode de la « fleur d'or »
incorpore la quintessence du bouddhisme et du taoïsme. L'or signifie
la lumière, la lumière de l'esprit ; la fleur symbolise
l'épanouissement, le jaillissement de la lumière de l'esprit.
Ainsi, le nom même de cette technique désigne l'éveil fondamental
du vrai soi et de son potentiel caché.
Exprimé en termes taoïstes, le but
essentiel de « la Voie » consiste à retrouver l'esprit originel et
divin pour se réaliser en tant qu'être humain. Dans l'optique
bouddhique, un être pleinement réalisé est conscient de l'esprit
originel, ou vrai soi, tel qu'il se manifeste spontanément à l'état
naturel, vierge de tout conditionnement.
Cet esprit originel s'appelle aussi «
esprit céleste » ou esprit naturel. Mode de conscience plus subtil
et plus direct que celui de la pensée ou de l'imagination, il est
essentiel à l'épanouissement de l'esprit. Le Secret de la Fleur
d'or vise donc à recouvrer et à raffiner l'esprit originel.
Si ce livre contient une série de
techniques de méditation fort utiles, sa méthode clé est bien
autre chose qu'un simple procédé méditatif. Il s'agit en effet
d'un processus qui permet de parvenir à la source même du principe
conscient, sans recourir à des idées ou à des images. L'exercice a
pour but de libérer l'esprit des limitations arbitraires et inutiles
que lui imposent ses réflexes habituels de fixation sur son propre
contenu. Une fois libéré de cet auto-conditionnement, disent les
taoïstes, l'homme pleinement conscient cesse d'être prisonnier de
sa condition et devient un « partenaire de la création ».
L'expérience de l'épanouissement de
la fleur d'or est comparé à la lumière qui emplit le ciel, le ciel
de la conscience inconditionnée, autrement plus vaste que le domaine
restreint des images, des pensées et des sentiments : un espace sans
obstacle, qui contient tout sans jamais être rempli. On accède
ainsi à une intarissable source d'intuition, de créativité et
d'inspiration : une fois que l'on a appris à mobiliser ce pouvoir
d'éveil mental, on peut constamment y faire appel et l'approfondir à
l'infini.
La pratique essentielle de la fleur
d'or ne requiert aucun équipement, aucune adhésion à un dogme
philosophique ou religieux, aucun accessoire ou rituel particulier :
elle se pratique au cœur même du quotidien. Elle est donc
accessible à tout moment puisqu'elle dépend de l'esprit même, bien
que n'impliquant pas la mise en œuvre de pensées ou d'images
mentales. Sa seule difficulté réside dans le fait qu'elle utilise
l'attention d'une manière inhabituelle pour un esprit qui a coutume
de fonctionner selon le mode discursif de la pensée ou de
l'imagination.
La singularité du Secret de la
Fleur d'or vient de ce que ce livre offre une méthode directe de
réalisation de soi, accessible à tout un chacun. L'ouvrage fut
écrit il y a plus de deux cents ans au cours d'une période de crise
suscitant une grande renaissance de cet ancien enseignement qui,
depuis lors, est périodiquement revenu au goût du jour dans les
moments difficiles, du fait de la rapidité avec laquelle cette
méthode permet d'accéder aux ressources cachées de l'esprit. [...]
Ayant consacré un bon nombre d'années
à l'étude du bouddhisme chan, précurseur chinois du zen, j'ai
apprécié le chan classique parce qu'il s'intéressait directement à
l'essence de l'esprit, sans s'embarrasser de dogmes ou d'additions
culturelles.
Cette simplicité de la démarche des
classiques chan repose sur un procédé particulièrement
intéressant, à savoir qu'ils condensent les enseignements des
diverses écritures et écoles bouddhiques sous forme d'histoires
symboliques, illustrant l'état naturel de l'esprit. Nombre de ces
histoires ont directement trait au retournement de la lumière et,
étant donné mon cheminement personnel, ce sont surtout celles-là
qui ont retenu mon attention. Cependant, certaines sont complexes et
difficiles puisqu'elles traitent de l'intégration créatrice de
l'esprit de la fleur d'or à la vie du monde ordinaire. Elles
nécessitent donc un travail mental au quotidien, et il m'a fallu
bien plus longtemps pour commencer à en pénétrer le sens. J'ai
finalement appris à pratiquer le retournement de la lumière selon
les méthodes de toutes les grandes écoles du bouddhisme.
Initialement, les moyens d'éveil de la conscience qu'enseignent le
chan et le bouddhisme des Terres Pures eurent un très profond effet
sur moi, mais j'ai eu par la suite l'occasion de constater que les
techniques des différentes écoles avaient chacune leurs avantages
propres. J'ai donc continué à pratiquer en appliquant chaque fois
la méthode qui me semblait la plus appropriée à mes besoins du
moment, ou la plus susceptible de raviver une inspiration
fléchissante.
J'ai parallèlement étudié les divers
systèmes mis au point par les écoles bouddhiques pour aider les
pratiquants à expérimenter la conscience de la fleur d'or de
manière fructueuse. Ce qui a contribué à éclaircir aussi bien les
aspects pratiques que théoriques de la question, à savoir mon vécu
quotidien et les résultats de mes recherches sur l'esprit, tel qu'il
est conçu par la littérature orientale ancienne. C'est au cours de
ces études que les circonstances m'ont mis en contact avec le
taoïsme. Dans les années suivant ma première rencontre avec le
bouddhisme, je m'étais également penché sur d'autres grandes
traditions de l'Asie, telles que l'hindouisme, le confucianisme, le
taoïsme et le soufisme. J'avais aussi lu la Bible, le Coran et les
écrits des traditions mystiques du judaïsme et du christianisme. À
la faveur de toutes ces recherches, j'en vins à constater que la
méthode du retournement de la lumière m'avait ouvert les yeux sur
l'existence d'une dimension insoupçonnée dans la littérature des
autres religions. Grâce à l'apprentissage de cette technique, une
appréciation neuve de la dynamique mentale du fait religieux
s'imposait à moi spontanément, au-delà de toute distinction
culturelle ou dogmatique. [...]
Si l'on écarte les déviations
cultistes, scolastiques et culturelles, j'estime que le chan dans sa
forme essentielle est sans doute un des éléments de l'enseignement
de la fleur d'or — voire du bouddhisme en général — qui peut
être le plus utile au monde occidental contemporain. Outre les
techniques « psycho-activatrices » qu'il utilise, le chan propose
en effet des structures psychologiques et intellectuelles qui forment
d'excellents outils d'analyse, permettant à l'esprit de distinguer
la logique interne des choses. Naturellement, la valeur pratique de
ces méthodes dépend de l'efficacité avec laquelle elles sont mises
en œuvre — telle la pratique selon Le Secret de la Fleur d'or,
par exemple.
La théorie et la pratique de la
méthode de la fleur d'or ont leur équivalent dans les traditions
grecque et chrétienne, mais je pense qu'on peut plus facilement les
analyser en termes de psychologie profane si l'on ne s'encombre pas
d'une abondance de concepts philosophiques et religieux et que l'on
se base sur les procédés chan, parfaitement compréhensibles et
utilisables sans aucune connaissance préalable de la culture
chinoise.
Le Secret de la Fleur d'or
représente une façon d'arriver à la plénitude de l'énergie
à travers la plénitude de l'esprit. L'enseignement se qualifie du
reste lui-même de « transmission spéciale en dehors de la doctrine
», fondée sur la perception directe de l'essence de l'esprit et la
réappropriation de son potentiel inhérent. C'est en fait le signe
distinctif du chan qu'on appelle parfois l'école de l'esprit
éveillé.
À des fins pratiques, l'enseignement
de la fleur d'or établit une distinction entre « l'esprit originel
» et « l'esprit conscient ». L'esprit originel représente
l'essence même de l'esprit, sans forme particulière,
inconditionnée, transcendant la culture et l'histoire. L'esprit
conscient correspond à l'ensemble des données mentales, des
sentiments, pensées et attitudes conditionnés par l'histoire
personnelle et culturelle de chacun, et emprisonnés dans des formes
spécifiques imposées par l'habitude. Ces termes s'emploient aussi
bien dans la tradition chan que taoïste.
L'intuition appartient à l'esprit
originel, l'intellect à l'esprit conscient. L'essence du taoïsme
consiste à raffiner l'esprit conscient pour le « réunir » à
l'esprit originel. Le bouddhisme chan appelle aussi l'esprit originel
primordial « l'hôte » ou « le maître », l'esprit conscient
conditionné étant « l'invité » ou « le serviteur ».
L'ignorance causée par soi-même apparaît quand le serviteur prend
la place du maître, l'éveil par soi-même se produisant lorsque le
maître retrouve son autonomie, au « centre ».
Cette notion de deux esprits ou de deux
aspects de l'esprit se trouve déjà dans le vieux classique taoïste,
le Tao Té Ching : « Usant du brillant rayonnement, vous
retournez à la lumière, sans rien laisser qui puisse vous nuire.
C'est ce qu'on appelle "entrer dans l'éternel". » On a là
l'image du rapport idéal entre l'esprit originel, source du
pouvoir, et l'esprit conscient, fonctionnaire subalterne. Une fois
devenu clair, l'esprit conscient fonctionne de manière appropriée à
la situation considérée, sans usurper l'autorité de l'esprit
originel. Ce dernier demeure accessible, réserve d'intelligence
lucide et vigilante à laquelle l'esprit conscient retourne, sans
fixation nuisible sur lui-même ou sur ses objets.
Ainsi, l'intellect peut fonctionner
efficacement dans le monde sans que cette activité de la conscience
entrave l'accès à une connaissance spontanée et plus profonde,
grâce à l'intuition directe d'une faculté plus subtile.
On appelle « renversement » ou «
retournement de la lumière » l'opération qui consiste à passer de
l'esprit limité, qui est celui de la conscience conditionnée, à
l'esprit libéré, qui est celui de l'esprit primordial. Dans Le
Secret de la Fleur d'or, ces termes correspondent au
rétablissement d'un contact direct avec l'essence et la source de
l'esprit. Ce contact direct permet d'accéder à la connaissance
spontanée et de se libérer du joug des pensées et des sentiments
conditionnés, alors même qu'ils surgissent. Pour citer le Tao Té
Ching : on peut être « créatif sans possessivité ».
Dans le taoïsme comme dans le
bouddhisme, le « retournement de la lumière » signifie détourner
l'attention de la fascination que lui inspirent les objets pour la
diriger sur l'essence ou source de l'esprit. Cet exercice sert à
clarifier la conscience et à libérer l'attention. De nombreux
taoïstes qui avaient de fortes affinités avec le bouddhisme chan
firent un grand usage de cet exercice du retournement de la lumière
qui, bien que commun à toutes les écoles bouddhistes, est
particulièrement important dans le chan. Le Secret de la Fleur
d'or représente l'une des méthodes les plus radicales pour
atteindre l'éveil par des moyens spirituels, et le texte est
pratiquement entièrement consacré à la présentation des subtils
détails de cette simple pratique du retournement de la lumière.
On trouve dans de nombreuses sources
chan, zen ou taoïstes, la description des différentes techniques et
« trucs » qui permettent d'induire, de développer et d'intégrer
l'expérience menant à l'épanouissement de la fleur d'or. Le
principe fondamental et la base même de la pratique sont exposés en
termes simples dans les enseignements de Dahui (Ta-hui), célèbre
maître chan du XIIe siècle : « Le bien et le mal viennent de votre
propre esprit. Mais, qu'appelez-vous votre esprit, en dehors de vos
actes et de vos pensées ? Et d'où vient votre esprit ? Si vraiment
vous savez d'où vient votre esprit, une infinité d'obstacles créés
par vos propres actes disparaîtront aussitôt. Ensuite, toutes
sortes de possibilités extraordinaires s'offriront à vous, sans
même que vous les cherchiez. »
Il y a quantité d'histoires chan qui
parlent des différentes façons d'accéder à l'exercice de la fleur
d'or. Certaines sont très simples et peuvent resservir indéfiniment.
Un disciple interrogea un
maître : « Qu'est-ce que le Bouddha ?
Le maître répondit : «
Cet esprit est bouddha. »
Un disciple interrogea un
maître : « Que doit-on faire quand sans cesse apparaissent et
disparaissent [les pensées] ? »
Le maître répondit : «
Tttt ! À qui appartient ce qui apparaît et disparaît ainsi ? »
Un maître demanda un jour à un
disciple « D'où viens-tu ? »
Le disciple répondit qu'il venait de
tel et tel endroit. Le maître s'enquit alors : « Y penses-tu ? »
Le disciple répondit que oui, souvent.
Le maître dit alors : « Celui qui
pense est l'esprit ; l'environnement est ce à quoi il pense. Cet
environnement comprend des montagnes, des rivières, des terres, des
maisons, des gens, des animaux et ainsi de suite. Maintenant,
retourne ta pensée pour penser à l'esprit qui pense : s'y
trouve-t-il autant de choses ? »
Ces procédés chan illustrent
quelques-unes des manières de gérer l'attention dans le but
d'induire l'expérience de la fleur d'or. Cette technique mentale
serait peut-être applicable à la théorie et à la pratique de la
pychothérapie, du fait qu'elle représente une compréhension
transcendante de soi, une méthode d'expérience du soi au-delà des
distorsions de la personnalité, et une concentration sur la source
vive de l'autonomie et de la maîtrise de soi.
L'enseignement de la fleur d'or offre
au thérapeute des techniques de développement d'une plus profonde
perception intérieure et d'une meilleure prise de conscience du
potentiel humain, ainsi qu'un moyen d'entrer en contact avec le
patient à un niveau mental qui ne soit pas pollué par les
afflictions psychiques. Le patient, quant à lui, peut y trouver un
moyen autonome de connaissance de soi, au-delà du domaine
conditionné de la personnalité, des jugements et des opinions.
Correctement utilisée dans le contexte
de la vie contemporaine, et non comme une sorte de culte exotique mal
digéré, la pratique de la méditation de la fleur d'or a le pouvoir
de dissiper l'influence des compulsions névrotiques. Pourvu qu'elle
soit bien comprise et pratiquée...
Thomas Cleary, Le secret de la fleur
d'or.
Mise en garde :
Le
secret de la fleur d’or
est connu de cerains new-agers qui souhaitent créer l'embryon de
lumière. Malheureusement, c’est une déplorable traduction de Wilhelm qui
s’est répandue.Traduction utilisée par Carl Gustav Jung pour son étude
intitulée : "Commentaire sur le mystère de la Fleur d’or". Les
erreurs de Wilhelm et de Jung inversent
le sens du traité. L’inversion caractérise le nouvel âge et la contre-initiation.
Le
jésuite, Etienne PERROT, professeur à la faculté des sciences
sociales et économiques de l'institut catholique de Paris, a fait
connaître au public francophone les textes tronqués de Wilhelm et
de Jung, accélérant ainsi la confusion.
L’orientaliste
Thomas Cleary s’efforce de corriger les égarements de Wilhelm,
"décidément enclin à voir dans ce texte toutes sortes d’idées
bizarres et de superstitions qui ne s’y trouvent pas ", écrit
Cleary".