Saturday, January 26, 2008

L’ORDRE REGNE de gré ou de force

Yéshé Nyingpo, lama français de premier plan, s’est évaporé. Il était maître de retraite (droupeun) dans l’un des plus importants centres bouddhistes d’Europe.
Sa mystérieuse disparition soulève plusieurs questions. Que se passe-t-il durant une retraite qui dure plus de trois ans ? Dans ce monde clos où perdurent des croyances moyenâgeuses certains pervers manipulateurs peuvent-ils dominer et abuser impunément des personnes fragiles ? Quelle autorité médicale peut garantir qu’un droupeun, un maître de retraite, n’est pas un déséquilibré ?

Selon le " Manuel de Retraite de Djamgoeun Kongtrul ", le maître vajra peut imposer des vexations et des châtiments corporels selon la gravité du manquement à la discipline. Entre les mains d’un lama perturbé, ce texte devient vite l’instrument d’une tyrannie mystique ?

L’ambiance dans un centre de retraite n’est pas franchement conviviale. Les maîtres tantriques ne tolèrent pas l’amitié entre les retraitants. Le Manuel est formel : " En règle générale, il est déconseillé aux retraitants d’entretenir des relations trop amicales entre eux au début, car elles peuvent par la suite déboucher sur la mésentente. " […]
Les plaisanteries sont mises à l’index par les censeurs tantriques : " Ne faites pas de plaisanteries légères – les plaisanteries peuvent porter malheur. " […]
Entrer dans un centre de retraite par la cuisine est, selon les lamas tyranniques et hallucinés, une faute grave. La gravité ira crescendo si une femme commet la bévue : " Si un moine entre dans le centre de retraite par la cuisine, le retraitant responsable de cette infraction paiera une amende de cent offrandes de thé (à la communauté). Si c’est un laïc qui est entré, l’amende consistera en une offrande de lampes et d’une écharpe rituelle. Si c’est une femme qui est entrée, les chefs spirituels du monastère doivent en être informés et la punition sera corporelle et matérielle. "

Au Tibet, les punitions corporelles étaient particulièrement barbares. " Ceux qui se rendent coupables du plus petit larcin sont expulsés de la lamaserie, après avoir été marqué au front et sur les deux joues d’un signe d’ignominie avec un fer rouge. " (Souvenirs d’un voyage dans le Thibet, R.-E. Huc)

La traduction française du Manuel de Retraite ne mentionne pas le supplice du fer rouge, en revanche il préconise volontiers la bastonnade en cas, par exemple, de querelle accompagnée de coups : " S’il y a affrontement physique, celui qui a frappé le premier recevra quinze coups de bâton et devra offrir un quart de brique de thé. "

Il existe une autre forme de punition difficilement compréhensible de nos jours. Il s’agit de châtiments liés à la démonologie tibétaine. Les lamas ont recours à la magie rituelle pour éliminer certains contrevenants à l’ordre tantrique. Le texte tibétain est explicite : " Si un intrus s’obstine et cherche nuisance, vous devez invoquer sans attendre la Puissance Courroucée du temple des protecteurs en agitant la bannière noire… "
"Manuel de Retraite de Djamgoeun Kontrul", Edition Yogi Ling.

La violence rituelle dans l'histoire du bouddhisme himalayen est traitée par Marc Bosche : http://bouddhismes.info/14.html

La photo ci-dessus montre un dob-dob, policier brutal des monastères tibétains. "La moindre infraction à la règle est sur-le-champ réprimée, d'abord verbalement, et, s'il en est besoin, à coups de barre de fer. Les vieillards, pas plus que les jeunes chabis, ne sont à l'abri de ces terribles corrections." (Souvenirs d’un voyage dans le Thibet, R.-E. Huc)

Wednesday, January 23, 2008

Les Paramahamsa
Les Paramahamsa sont des mystiques libertaires véritablement affranchis de toutes les contraintes religieuses.

Docteur en études indiennes de l’université de Paris, chargée de recherches au CNRS, Tara Michaël est une spécialiste internationalement reconnue du yoga, du tantrisme et des danses de l’Inde, où elle a vécu longuement. Elle écrit :


" La Jabala-upanishad décrit les Paramahamsa comme " sans signe distinctif (avyaktalinga), sans mode de vie distinct, apparent ou compréhensible (avyaktacara), et se conduisant comme des fous, bien que possédant toutes leurs facultés ". Ils doivent avoir jeté leur triple bâton, leur gourde, leur besace, leur bol à aumône, leur filtre à eau, leur touffe de cheveux et leur cordon brahmanique dans l’eau, les offrant comme oblations. Ils retournent à leur état d’avant la naissance, libre de toute attache, sans possession, et ne sont pas affectés par les couples d’opposés comme le plaisir et la souffrance, ayant réalisé l’essence pure du Soi.


Dans de nombreux ordres de yogin et de renonçants, le dernier stade de la réalisation spirituelle se manifeste par le rejet de tout vêtement. Le yogin n’a plus d’autre possession que son corps et demeure complètement nu. C’est ainsi que les Jaina sont divisés en deux sectes, les Svetambara, " vêtus de blanc ", et les Digambara, " vêtus d’espace " constituant la secte la plus ancienne, celle qui pousse l’idéal de renoncement jusqu’à ses applications extrêmes. Les Nâga, ascètes shivaïtes, n’ont aussi que l’air et l’espace pour couvrir leur corps, quelles que soient les intempéries. Les Avadhuta, littéralement " ceux qui ont fait sauter tous leurs liens, se sont dégagés de tout ce qui les enserrait ", sont une autre secte qui professe être au-dessus de toute observance. Ils peuvent être complètement nus, ou n’avoir qu’un lambeau d’étoffe couvrant les parties génitales. Cette suprême indifférence aux conventions sociales n’est pas réservée aux hommes seulement, mais se trouve aussi chez les femmes ascètes de cette secte, les Avadhutani. D’une manière générale, la robe signifie la fonction, et celui qui a atteint l’état inconditionné ne peut plus porter aucun vêtement, ne peut plus s’identifier à aucun rôle, ne peut plus " revêtir " aucune détermination particulière. La complète nudité de l’ascète marque la dissolution totale de son être individuel dans le Soi omniprésent, indéterminé, non qualifié, indescriptible et inaccessible à la pensée et à la parole (nirguna-Brahma). Vacaknavi Gargi, la femme qui dans la Brhad-aranyakaupanisad met à l’épreuve le sage Yajnavalkya par ses questions redoutables posées en présence du roi Janaka et de tous les brahmanes, était de la sorte une " Connaisseuse du Brahman " qui ne daignait pas voiler sa nudité. Dans certaines sectes de bhakti également, les adeptes marquent leur rupture avec le domaine des règles et des conventions sociales par le rejet de tout vêtement. En effet, celui qui a pris refuge dans la Divinité suprême est délivré de tout dharma, de toute loi d’action particulière. Il échappe au réseau des règles et de comportements qui constitue l’ordre humain ; toute notion de décence ou d’indécence ne s’applique plus à lui. Tout ce qui est acquis, tout ce qui a été " fait ", institué, ne saurait être coercitif pour celui qui s’est immergé dans l’Incréé. Mais en brisant la légitimité, le bhakta ne peut être accusé de tomber dans l’adharma, il ne fait qu’exemplifier la possibilité de transcender le dharma, de vivre dans la liberté totale de celui qui s’est fondu en Dieu. Ainsi, Mahadeviyakka, contemporaine de Bavasa et d’Allama au 12ème siècle, était une adoratrice de Shiva qui errait, nue et ivre de Dieu, et qui nous a laissé de nombreux poèmes mystiques en langue kannada, tels que celui-ci :


" Les gens, hommes ou femmes,
rougissent quand une étoffe,
voilant leur honte, se défait…
Quand le Seigneur de toute vie
demeure ignoré, sans un visage dans le monde,
comment pouvez-vous être pudique ?
Quand le monde entier est l’œil du Seigneur,
Regard omniprésent,
Que croyez-vous couvrir et cacher ? " (120)

Ou encore :

" Vous pouvez dérober
l’argent que la main tient serré,
mais pouvez-vous confisquer
la gloire du corps ?
Vous pouvez arracher,
pièce par pièce, vos vêtements
Mais pouvez-vous dépouiller
le Vide, la Nudité
qui voile et qui recouvre ?
Pour la fille éhontée
qui s’enveloppe de la lumière du matin
de son Seigneur à la blancheur de jasmin (121)
Ô fou, quel besoin de vêture et de bijoux ? " (122)

De la même façon Lalleshvari, la fameuse yogini et sainte shivaïte du Kashmir (vers 1300-1400), " errait en ascète, chantant et dansant entièrement nue. Lorsqu’on lui reprochait son indécence, elle répondait que seuls sont des hommes ceux qui craignent Dieu, et que, vu leur nombre restreint, il valait guère la peine de se vêtir ". (123)

http://www.les-108-upanishads.ch/paramahamsa.html

Saturday, January 12, 2008

La mystérieuse disparition d’un dignitaire du bouddhisme tibétain.




Né en 1952 en France, Yéshé Nyingpo Rinpotché était maître des retraites de Dhagpo Kundreul Ling en Auvergne. En 1997, après le décès de Lama Guendune Rinpoché, Shamar Rinpoché, régent de la lignée Kagyu, a confirmé cette charge importante en lui demandant de perpétuer la transmission de Lama Guendune Rinpoché. Le lama français pouvait donner des initiations publiques. Il était invité aux Etats-Unis, en Thaïlande. Il enseignait devant les vénérables moines théravadins de la prestigieuse World Buddhist University de Bangkok :
http://www.wb-university.org/?do=shownews&banid=10&newid=44
http://karmakagyubangkok.com/presentation.html
http://karmakagyubangkok.com/biographie.html
Auteur de plusieurs livres sur les pratiques du Vajrayana, Yéshé Nyingpo Rinpoché était un maître respecté :
http://www.dhagpo-kagyu.org/france/enseignements/chemin/lama/lignee/lignee_yeshe.htm
http://detchenlhamo.unblog.fr/2007/03/25/retraite-de-groupe-avec-lama-yeshe/
Depuis des années il se consacrait avec bonheur à la propagation mondiale du bouddhisme tibétain, jusqu’au jour où, pour une raison encore inconnue du public, il défroqua et se sépara rapidement de l’ordre Kagyu.
Un lama de cet acabit n’abandonne pas l’état religieux sans un motif particulièrement sérieux. Il est improbable que cette sorte de cardinal de l’église tantrique quitte tout et renonce à sa situation à la suite d’un coup de tête.
La règle du silence prévaut dans le lamaïsme car rien ne filtre sur le sort de Yéshé Nyingpo. Il est impossible de connaître la raison de la soudaine disparition de ce dignitaire qui appartenait au cénacle des grands lamas Occidentaux.
Aidez-nous à retrouver Yéshé Nyingpo.