par le Dr André Migot
Pour
de nombreux lecteurs, le seul nom de Tibet évoque des phénomènes
mystérieux et surnaturels, une certaine littérature leur ayant présenté,
de ce pays, un tableau romancé où l’on voit, à chaque détour du
sentier, un ascète nu faisant fondre la neige autour de lui ou volant à
travers l’espace.
Certes,
des phénomènes supranormaux existent et j’ai pu en constater
quelques-uns au cours des longs séjours que j’ai faits au Pays des
Neiges. Mais ils sont rares. Les vrais thaumaturges ne se montrent pas
et il faut vivre longtemps dans leur intimité pour connaître leurs
pouvoirs.
Par contre, les pratiques magiques y sont très répandues.
Les
images que ce texte accompagne se rapportent à l’une des plus curieuses
: éloigner la grêle destructrice des récoltes ou au contraire faire
tomber la pluie en cas de sécheresse. Dans les deux cas, le rôle du
sorcier est d’agir sur les démons maîtres du temps et de les contraindre
à lui obéir en pratiquant des rites spéciaux accompagnés de la
récitation de formules appropriées. Pour comprendre l’importance de ces
cérémonies magiques dans la religion tibétaine, il est nécessaire de
dire quelques mots de ses origines.
Lamaïsme et magie
Cette
religion, connue sous le nom de lamaïsme, représente une forme très
spéciale du Bouddhisme, n’existant qu’en Mongolie et au Tibet. Lorsque
le Bouddhisme pénétra dans ce pays au 7ème siècle de notre ère, il
s’était déjà beaucoup éloigné de la doctrine primitive et avait
constitué une nouvelle forme dite « tantrique » fortement imprégnée de
magie. Au Tibet, il rencontre une religion autochtone très puissante :
le Bön, culte de divinités naturelles, bonnes ou mauvaises, qu’il
convenait de remercier ou d’apaiser par des sacrifices et des rites
magiques. C’est de la fusion du Bouddhisme tantrique et du Bön, qu’est
né le Lamaïsme ; et cela explique qu’il ait conservé jusqu’à nos jours,
un aspect rituel et magique très prononcé.
La
religion bön a survécu, mais elle s’est si bien assimilée au Lamaïsme
qu’un monastère bön actuel ne diffère d’une lamaserie que par des
détails peu importants, comme j’ai pu m’en rendre compte en visitant
celui de Denchin-gompa dans l’Est tibétain.
Mais
en dehors de ces monastères, il existe des religieux bön-po qui
continuent à pratiquer la magie primitive. Ce sont des isolés, vivant
dans des ermitages ou errant de village en village, vendant des charmes
et des amulettes, prédisant l’avenir et pratiquant des rites magiques
pour le compte des paysans. Ils sont généralement spécialisés et c’est
parmi eux que se trouvent les « faiseurs de temps ».
Les
bön-po n’ont pas d’ailleurs le privilège de ces pratiques magiques et
de nombreux religieux appartenant au clergé lamaïque sont généralement
spécialisés dans ce domaine. Chaque monastère, même dans la secte
réformée des « bonnets jaunes », compte parmi ses membres quelques
sorciers que l’on consulte en de nombreuses circonstances. Il existe
même dans les grandes universités lamaïques de Lhassa des collèges
spécialisés dans l’enseignement de la magie. Les religieux qui ont
obtenu le diplôme de docteur de ces universités sont en général attachés
aux grands monastères de la capitale. Ce sont les « maîtres de
conjuration », intellectuels de la magie, tandis que les sorciers
ordinaires sont des empiriques, généralement ignares, ayant reçu d’un
maître l’enseignement traditionnel « de la bouche à l’oreille ».
Dzogchen-gompa
Certaines
sectes ont une notoriété spéciale dans ce domaine, en particulier celle
du « Grand Accomplissement ». En mai 1947, lors de mon premier voyage
au Tibet, j’ai eu l’occasion de faire un séjour prolongé dans l’une de
ses plus importante lamaserie : Dzogchen-gompa, située dans l’Est
tibétain et d’y assister à certaines pratiques magiques.
Ce
monastère est bâti dans un site admirable et je n’ai jamais vu, dans
aucun pays du monde, de lieu plus manifestement prédestiné à la vie
contemplative. Tapi dans un vallon élevé, oasis de verdure semblant
suspendu dans le ciel, il fait face à un grand cirque boisé qui se perd
dans les contreforts d’un puissant massif glaciaire qui domine le vallon
de sa masse étincelante. C’est dans cette forêt escarpée que se
trouvent les ermitages des lamas contemplatifs et des magiciens ; et
j’ai pu y passer quelques jours dans une hutte contiguë à la maisonnette
de l’un de ceux-ci. Bien qu’appartenant à la secte des lamas voisins,
il menait une existence très indépendante, n’ayant guère de relations
avec la lamaserie et se déplaçant au gré de ses occupations. Très peu
communicatif, il me fut difficile de l’apprivoiser, mais sa qualité de
confrère-médecin, et le don de quelques comprimés d’aspirine, me
permirent cependant d’entrer dans ses bonnes grâces, ce qui est fort
appréciable lorsqu’il s’agit d’un thaumaturge doué de pouvoirs
redoutables !
Le Costume des lamas sorciers
Le
costume habituel des sorciers est semblable à celui des lamas de la «
secte rouge », mais au lieu d’avoir le crâne rasé, ils laissent pousser
leur cheveux longs, les allongeant encore par des fils de laine nattés,
l’ensemble noué en un chignon volumineux, véritable turban surplombant
la tête. Pour les cérémonies importantes, ils passent, par dessus la
robe de laine, une sorte de veste de soie et une étole également en
soie. Le tissu en est parfois fort beau, mais le luxe de ce vêtement
dépend évidemment des moyens financiers de l’officiant, et les magiciens
errants ne possèdent souvent qu’une pauvre veste de soie sale, usée et
rapiécée.
La
pièce essentielle du costume est un chapeau spécial réservé aux
cérémonies magiques. Il se compose d’une couronne de six pétales fixés
autour d’un bonnet et formant une sorte de diadème. Chacun de ces
pétales est fait d’une plaque de carton ou de métal doré, au centre de
laquelle est peinte ou ciselée l’une des six syllabes de la fameuse
invocation : « Om ma-ni pa-mé hum ! » véritable leitmotiv de la prière
tibétaine.
Les instruments
Certains
des instruments utilisés pour les cérémonies magiques appartiennent à
l’arsenal habituel du culte lamaïque : le « dordjé », petit sceptre de
cuivre symbolisant la flèche d’Indra exterminant les démons, la
clochette, le « damarou », petit tambour (souvent fait de deux calottes
crâniennes accolées et tendues de peau), les vases d’offrandes. Mais
quelques autres sont spéciaux aux rites magiques : la dague de bois ou
de métal dont la courte lame triangulaire est munie d’ailerons latéraux,
tandis que la poignée est terminée par une tête de cheval représentant
le démon tutélaire : Tamdin. Ce poignard est l’arme essentielle de la
lutte contre les démons. Le miroir de métal enfin, est surtout utilisé
pour la divination.
Les
cérémonies magiques doivent se dérouler selon des règles très précises,
indiquées dans des livres spéciaux ou tantra, que les officiants
suivent scrupuleusement car la moindre erreur matérielle ferait perdre
toute efficacité à l’opération. j’ai souvent assisté à la confection de
mandala ou cercle magiques : un lama lit lentement le texte du tantra
correspondant, tandis que ses collègues tracent avec un soin religieux
le dessin compliqué, disposant minutieusement les fils et les poudre
colorées, reprenant le texte, vérifiant si leur travail est bien
conforme au rituel. Celui des « faiseurs de temps » est surtout fondé
sur les tables astrologiques très utilisées au Tibet dans de nombreuses
circonstances.
Comment chasser les orages
Les
rites des « faiseurs de temps sont très archaïques et ils se sont
vraisemblablement conservés sans grand changement depuis l’époque des
sorciers pré-bouddhiques. Le but de la cérémonie est d’assurer la
protection de la maigre moisson d’orge des paysans contre les orages et
les chutes de grêle. Pour y parvenir, le sorcier utilise sa puissance
magique dans une lutte sévère contre les forces naturelles, non pour les
détruire, mais pour les détourner de leur cours. Il ne s’agit pas en
effet de détruire un orage qui s’approche ou de l’empêcher de se
résoudre en grêle, mais de le détourner vers une région autre que celle
où opère le sorcier.
Les
opérations préliminaires sont effectuées au printemps. Une procession
des habitants du village conduite par le « faiseur de temps » se dirige
vers un des sommets dominant la région. Chacun des participants porte un
vestige animal : crâne de cheval, de mouton ou de chien, peau ou
squelette de renard, de corbeau, de serpent ou de toute autre bête,
préalablement rempli de bandelettes de papier inscrites de formules
magiques, le tout entouré de fils de laine de cinq couleurs différentes.
Un trou est creusé sur ce sommet, un feu y est allumé et chacun y jette
ce qu’il avait apporté, tandis que le vent des hauts plateaux attise la
flamme jusqu’à combustion complète. Des pierres sont alors amassées sur
l’emplacement du bûcher pour former un petit cairn, à l’intérieur
duquel on enferme parfois quelques flèches, un fer de lance ainsi qu’une
image de l’oiseau mythique Garuda, monture de Vishnou et protecteur de
la secte Bön.
Sur
le cairn sont alors construits un certain nombre de petits édifices
fragiles désignés sous le nom de « croix de fils », ils sont constitués
par des baguettes entrecroisées autour desquelles on enroule des fils de
laine de diverses couleurs. A la fin de la cérémonie, des rameaux de
bouleaux agrémentés d’une plume blanche sont distribués aux assistants à
la manière de nos rameaux bénits ; ils seront ultérieurement plantés
dans les champs où ils joueront le rôle d’emblèmes protecteurs.
En
dépit de la protection apportée par les « croix de fils », le rôle du «
faiseur de temps » n’est pas terminé pour autant et c’est pendant
l’été, saison des orages et de la grêle, qu’il devient capital, exigeant
de lui un savoir, une vigilance et une décision de tous les instants.
Il s’installe pour toute la saison dans une hutte spécialement édifiée à
son intention par les villageois, sur un sommet d’où l’on jouit d’une
vue très dégagée sur toute la région. Il peut ainsi surveiller le ciel
et voir approcher les gros nuages annonciateurs de l’orage ou de la
grêle, ce qui lui permet, s’il est suffisamment vigilant et compétent,
d’agir à temps pour les arrêter.
Un
bon « faiseur de temps » est capable de se rendre compte très
rapidement du danger et de la menace de grêle qu’apporte le nuage qui
approche, et il possède pour cela un certain nombre de moyens. L’un
d’eux consiste à examiner l’image d’un nuage réfléchie sur une couche
d’eau, au fond d’un large récipient plat fait d’un alliage spécial de
cinq métaux précieux. Certains caractères de cette images lui indiquent
si le nuage examiné apporte ou non la grêle, s’il risque d’éclater sur
le village, mais il est impossible de connaître ces caractères qui sont
le secret jalousement gardé du « faiseur de temps ». D’autres
indications lui sont données par la sonorité de son damarou, ce petit
tambour double dont nous avons parlé. Si elle est élevée « joyeuse »
selon l’expression tibétaine, aucun danger ne menace le village ; si
elle est au contraire assourdie, « menaçante », le danger de grêle est
imminent et grave et il faut agir au plus vite pour le conjurer.
Le
« faiseur de temps » se retire alors rapidement dans sa hutte.
Brandissant son poignard magique, il récite des mantras destinés à
influencer les divinités protectrice de la sectes à laquelle il
appartient, à les « contraindre » à se faire ses auxiliaires dans la
lutte contre les démons de l’orage. Nous avons vu que le « faiseur de
temps » n’a pas la prétention de supprimer les nuages de grêle ou de les
empêcher d’éclater sur le village dont il a la garde, son but est tout
simplement de les détourner de leur cours naturel pour les orienter vers
une autre région.
Si
les paysans de la dite région ont également à leur service un « faiseur
de temps » qualifié, vigilant et puissant, celui-ci renverra à son tour
les nuages dans une autre direction. Cette lutte entre les pouvoirs des
magiciens et les forces de la nature continuera jusqu’à ce que les
nuages d’orage arrivent à proximité d’un village non protégé ou n’ayant à
son service qu’un « faiseur de temps » incapable ou négligent ; n’étant
arrêté par rien , ils fondront alors sur le village avec une force
redoublée au grand détriment de la récolte qui risque d’être anéantie.
Le malheureux magicien incapable ou négligent perdra évidemment toute la
rémunération de son travail qui est toujours payé après la récolte, et
seulement si elle est bonne. Il perdra également sa réputation et ses
futurs engagements et sans parler de la sévère correction qu’il risque
de recevoir des mains des paysans, furieux d’avoir été trompés et
d’avoir perdu leur récolte par la faute de cet ignorant.
Heurs et malheurs des « faiseurs de temps »
Nous
avons vu que la magie était utilisée dans toutes les sectes lamaïques,
même dans la secte réformée des « bonnets jaunes » qui constitue
l’Eglise officielle du Tibet, et à laquelle appartiennent le Dalaï-lama
et le Panchen-lama. Nous avons également vu qu’il existe des collèges de
magie dans les grandes universités lamaïques de Lhassa, et le
gouvernement tibétain utilise les services réguliers de trois « faiseurs
de temps », docteur ès-sciences magiques diplômés de ces universités.
Leur
tâche essentielle consiste à empêcher la grêle de tomber dans le parc
de Norbulingka, résidence d’été du Dalaï-lama dans la banlieue de
Lhassa, ainsi que sur les fameux toits d’or du Potala, le
palais-forteresse-monastère qui domine de sa masse puissante la capitale
tibétaine et qui est le siège officiel du Dalaï-lama et du gouvernement
tibétain. Une telle atteinte de la citadelle religieuse du Tibet serait
en effet considérée par les Tibétains comme un présage funeste.
Ces
trois « faiseurs de temps » officiels opèrent à tour de rôle. A titre
de bénéfice, ils reçoivent du gouvernement la concession de terres de
bon rapport et sont par ailleurs, autorisés à utiliser leur science pour
le compte de particuliers, ce qui leur assure de substantiels revenus.
Mais
leur haute situation est fragile, car un échec se traduisant par une
chute de grêle sur l’un des deux emplacements privilégiés risque de leur
attirer de très graves ennuis, et un certains nombre d’anecdotes
circulent dans le peuple sur les heurs et les malheurs de ces grands
personnages. On cite de belles réussites comme en ce jour fameux où la
grêle cribla littéralement la campagne alentour du parc de Norbulingka
sans qu’un seul grêlon atteignît l’intérieur du cercle magique tracé par
le sorcier autour du domaine sacré. Par contre, un autre jour, la grêle
ayant littéralement ravagé le parc du Dalaï-lama, le Régent, furieux,
envoya chercher le « faiseur de temps » responsable, dans l’intention de
le châtier sévèrement. Mais celui-ci déclara qu’il n’était en rien
coupable, n’ayant pas le pouvoir de s’opposer à la volonté des dieux.
Ceux-ci avaient, en effet, voulu prévenir par ce signe le Dalaï-lama
qu’un danger imminent menaçait le peuple tibétain. Et pour prouver que
sa compétence magique n’était pas en cause, il versa, sous les yeux du
Régent, de l’eau dans un tamis sans qu’aucune goutte ne le traverse. Peu
après cet incident, une grave épidémie de variole fit en effet de
nombreuses victimes jusque dans l’entourage immédiat du Dalaï-lama.
Comment faire tomber la pluie ?
Le
rôle des « faiseurs de temps » n’est pas uniquement d’éloigner la
grêle, mais aussi de faire tomber la pluie en cas de sécheresse
persistante. Ce cérémonial se rattache à un très vieux culte
pré-bouddhique et même pré-aryen appartenant au fond le plus archaïque
des religions indiennes : le culte des dieux-serpents habitant les
sources et les rivières et considérés comme les divinités des eaux a
persisté jusqu’à nos jours au Tibet, et le rituel actuellement utilisé
par les « faiseurs de temps » est attribué à Tsong-kha-pa, le grand
réformateur de la secte des bonnets jaunes.
Lorsque
la sécheresse persistante devient inquiétante pour les cultures, on
commence par organiser une procession des femmes du village, chacune
portant sur son dos un des énormes livres sacrés de la lamaserie voisine
; en longue file elles tournent ainsi autour du village et des champs
qui en dépendent. Si cette procession ne donne pas de résultats, on
convoque le « faiseur de temps » qui procède alors à la cérémonie selon
un rituel très compliqué.
L’officiant
lave d’abord soigneusement le lieu où se déroulera la cérémonie, puis
il y dépose une image de Tsong-kha-pa, des fleurs non vénéneuses, un
gâteau blanc et un vase précieux dans lequel il place des pilules
magiques, des fleurs et des épices tout en répétant cent huit fois le
mantra de Tsong-kha-pa. Après avoir recouvert le vase d’un tissu rouge,
il adresse aux dieux-serpents le petit discours suivant : « O ! vous,
tous, nagas grands et petits, je viens vers vous non pour vous nuire
mais pour vous demander de faire tomber la pluie, pour le grand bien des
êtres et particulièrement des habitants de ce village. Vous savez que
c’est Tsong-kha-pa qui vous a ordonné de m’obéir et si vous ne le faites
pas, je vous briserai la tête par la puissance de mes mantras.
Ecoutez-moi donc, et ne quittez pas ce lieu avant que la pluie ne tombe.
» Après quoi, le lama continue la récitation de ses mantras tout en
déposant des offrandes de nourriture, de pierre et de matériaux précieux
devant les sources, les lacs et les rivières du voisinage, de façon à
apaiser les divinités que les gens du village auraient pu mécontenter.
Finalement,
un édifice magique très compliqué est construit dans un champ proche du
village. Ce « palais de fils » ressemble un peu aux « croix de fils »
dont nous avons déjà parlé, mais il est beaucoup plus élaboré et de
taille beaucoup plus grande, pouvant atteindre jusqu’à quatre ou cinq
mètres de hauteur. C’est un assemblage de baguettes et de fils de laine
de couleurs diverses formant une élégante petite maison à claire-voie
destinée à attirer et à abriter les esprits des eaux ; on espère, en
effet, que cet aimable accueil les décidera à dispenser la pluie aux
gens du village. La construction de ce palais de fils est longue et
difficile, d’autant plus qu’elle doit obéir à des règles précises. Elle
peut demander jusqu’à trente kilomètres de fils de laine, les doigts
très habiles d’un spécialiste et plusieurs jours d’un travail patient et
délicat.
Lorsque
la sécheresse atteint toute une province, le gouvernement tibétain
complète le travail des « faiseurs de temps » par des mesures officiels
telles que l’interdiction des cérémonies pour empêcher la pluie. Cette
défense pourrait apparaître sans objet, mais dans ce pays
d’individualistes forcenés, il peut arriver que, en dépit de la
sécheresse, quelques braves Tibétains fassent un sacrifice magique pour
que la pluie ne vienne pas troubler la construction de leur maison, une
fête de famille ou des danses lamaïques dans le monastère voisins !
Comme
on le voit, les méthode utilisées au Tibet, pour lutter contre les
dérèglements de la nature, sont pleines de poésie, d’imprévu et de
fantaisie. Ont-elles plus ou moins d’effets que celles, d’apparence plus
scientifique, que nous utilisons en Occident ? Il est bien difficile de
le savoir avec certitude. Elles ont au moins l’avantage de passionner
les Tibétains et de leur apporter un sentiment de sécurité métaphysique
que nous sommes bien incapables d’éprouver, n’ayant pas la précieuse
ressource de mettre sur le compte des dieux certains résultats qui
pourraient paraître défavorables à des esprits superficiels, et que
notre manque total de subtilité nous ferait naïvement considérer comme
des échecs.