Monday, September 15, 2014

Le Dalaï-lama traduit devant la Haute Cour de Justice de l’Inde



Au Tibet, des bouddhistes et des Bönpo ne sont pas emballés par l’idée du retour au pouvoir des religieux. Les plus âgés se souviennent de la condition des humbles sous le joug des lamas. Ils ne cachent pas à leurs enfants et petits enfants qu’ils ont échappé au servage grâce aux Chinois. Les exploiteurs du peuple tibétain ont pris la fuite. Les anciens seigneurs et les dignitaires religieux, avec l’aide des Américains anticommunistes, ont fabriqué le mythe d’un Tibet idyllique.

Des Tibétains s’accommodent fort bien de la gestion chinoise. Cette vérité irrite beaucoup le Dalaï-lama et ses amis Etasuniens. Elle est occultée par les médias occidentaux aux ordres de l’empire anglo-américain. L’empire convoite le Tibet depuis des décennies. Il utilise la "bouddhamania", fabriquée par une propagande de victimisation des lamas et les artifices d’Hollywood, pour prendre le contrôle du Tibet et mettre au pouvoir un gouvernement de prélats fantoches.

Des moines tibétains ne sont pas hostiles aux Chinois, ils sont nombreux parmi les adeptes du culte de Shougden. Cette entité se serait incarnée au 17ème siècle dans un lama rival du cinquième Dalaï-lama. Ce rival aurait été assassiné par le parti du pontife tibétain. Le cinquième Dalaï-lama était l’artisan, avec l’appui des armées mongoles, du pouvoir religieux centralisé et autoritaire. Il n’est pas surprenant de voir des opposants se regrouper sous la "bannière" d’une victime de ce pouvoir religieux.

Le Dalaï-lama est déterminé à éradiquer le culte de Shougden et à excommunier ses adeptes. Un reportage de France 24 révèle l’existence de la persécution religieuse orchestrée par le prix Nobel de la paix.

Traités en parias, exclus des monastères, victimes de brimades, des adeptes de Shougden traduisent le Dalaï-lama devant la Haute Cour de Justice de l’Inde. Le chantre de la tolérance et de la compassion est accusé de persécution religieuse.


Près de 100 000 réfugiés tibétains vivent en Inde. Un exil qui a commencé en 1959 lorsque le premier d'entre eux, le dalaï-lama, a fui le Tibet après l'invasion chinoise. Près de cinquante années plus tard, une scission semble apparaître au sein de la communauté tibétaine bouddhiste.

D'un côté, les fidèles du dalaï-lama et du culte traditionnel qu'il incarne. De l’autre, les adeptes du culte Dorjé Shugden, une déité du bouddhisme traditionnel tibétain que le dalaï-lama considère comme un démon. Ces derniers ne croient plus en leur leader spirituel et sont ostracisés par leurs pairs.

Derrière la divergence spirituelle, un enjeu politique : les Shugden sont ouvertement accusés par le dalaï-lama de soutenir la Chine et de trahir la cause tibétaine.

Des adeptes mis au banc

"Regardez ce qui est écrit : les pratiquants de Shugden n’ont pas le droit de rentrer dans ce magasin", se lamente Delegtang, un moine shugden. Depuis deux mois, à Balykoppe, son village de réfugiés tibétains du sud de l'Inde, toutes les portes lui sont fermées, à lui et aux membres de sa communauté.

"J’ai fait le serment auprès de sa sainteté le dalaï-lama de ne plus avoir aucun lien avec les pratiquants shugden, ils font du mal à la cause tibétaine", assène une commerçante.
"Le dalaï-lama est notre seul pilier, il est la seul personne sur qui l'on puisse compter", explique un moine fidèle à son chef spirituel.
En quelques mois, la ville a mis au banc une partie de sa population. Les moines shugden ne peuvent en effet plus entrer dans les commerces, les lieux publics et même dans les hôpitaux. Dans les rues, on peut voir les portraits de leurs leaders placardés sur les murs, comme des hors-la-loi. 

Un discours violent du dalaï-lama

Le 7 janvier, le dalaï-lama a prononcé un discours d’une rare violence dans une université du sud de l’Inde. Devant des centaines de moines, il a fermement condamné le mouvement shugden et ses adeptes. "Je n’ai pas interdit les Shugden pour mon propre intérêt, j’y ai mûrement médité et réfléchi en mon âme et conscience."
Quelques semaines après le discours du dalaï-lama, les moines shugden ne pouvaient plus entrer dans les monastères. Le début, peut-être, d'un schisme qui pourrait exclure les quatre millions de Tibétains adeptes de cette religion. 

Les moines récalcitrants se regroupent désormais à l'écart des lieux de culte. Ils sont vus comme des rebelles, des traîtres, qui ont tourné le dos à leur maître spirituel.

A la question "le dalaï-lama va-t-il vraiment réussir à interdire une religion ?", les moines répondent catégoriquement : "Il n’y arrivera pas parce que nous sommes dans le vrai". "D’un coté, le dalaï-lama parle tout le temps de liberté de religion et de compassion et, de l'autre, il nous interdit de pratiquer notre religion et nous chasse des monastères. C'est incohérent, on ne croit plus du tout en lui", témoigne l’un de ces moines.

Soupçons sur le dalaï-lama : ses démons seraient-ils plus politiques que spirituels ? Réponse à Dharamsala, au nord de l'Inde – le fief du dalaï-lama. C'est là qu'il vit, dans ce monastère, depuis qu'il a fui le Tibet, il y a 50 ans. C'est aussi là que siège le gouvernement tibétain en exil. Pour le Premier ministre, les Shugden sont avant tout des ennemis politiques, des ennemis de l'intérieur.

Amitiés chinoises

"Ils sont prêts à tuer n’importe qui, à frapper n’importe qui", affirme-t-il. Les Shugden, des assassins, mais surtout traîtres politiques à la solde des Chinois, selon les proches du dalaï-lama. "Les Shugden et les Chinois sont liés, c’est évident, poursuit-il. Les pratiquants shugden sont tous financés par les Chinois."Le chef de la sécurité nous montre la photo d’un Shugden très influent. "Il a visité la Chine au moins deux ou trois fois, nous explique-t-il. Il est utilisé par les Chinois à des fins politiques.

"Nous avons retrouvé l'homme figurant sur la photo. Il vit dans le sud de l'Inde, entouré d'une dizaine de disciples.

Il vient de déposer plainte contre le dalaï-lama devant la Haute Cour de justice indienne pour persécution religieuse. Il nie travailler pour le compte de la Chine mais ne pas cache son amitié pour le pays. "J’apprécie beaucoup les Chinois et j'approuve ce qu’ils sont en train de faire au Tibet", dit-il. Et d'ajouter "ce que nous sommes en train de vivre avec le dalaï-lama laisse facilement imaginer ce que pouvait être dans le passé son régime théocratique au Tibet. C'était beaucoup plus violent que ce que vivent aujourd'hui les Tibétains.

"En Inde, les fidèles shundgen sont aujourd'hui obligés de se cacher. Derrière cette chasse aux Shugden : la peur de l'infiltration chinoise dans les rangs des réfugiés tibétains. Cette fissure pourrait s’avérer dangereuse dans le combat pour l'autonomie du Tibet.