Au Tibet, des bouddhistes
et des Bönpo ne sont pas emballés par l’idée du retour au pouvoir des
religieux. Les plus âgés se souviennent de la condition des humbles sous
le joug des lamas. Ils ne cachent pas à leurs enfants et petits enfants
qu’ils ont échappé au servage grâce aux Chinois. Les exploiteurs du
peuple tibétain ont pris la fuite. Les anciens seigneurs et les
dignitaires religieux, avec l’aide des Américains anticommunistes, ont
fabriqué le mythe d’un Tibet idyllique.
Des
Tibétains s’accommodent fort bien de la gestion chinoise. Cette vérité
irrite beaucoup le Dalaï-lama et ses amis Etasuniens. Elle est occultée
par les médias occidentaux aux ordres de l’empire anglo-américain.
L’empire convoite le Tibet depuis des décennies. Il utilise la
"bouddhamania", fabriquée par une propagande de victimisation des lamas
et les artifices d’Hollywood, pour prendre le contrôle du Tibet et
mettre au pouvoir un gouvernement de prélats fantoches.
Des
moines tibétains ne sont pas hostiles aux Chinois, ils sont nombreux
parmi les adeptes du culte de Shougden. Cette entité se serait incarnée
au 17ème siècle dans un lama rival du cinquième Dalaï-lama. Ce rival
aurait été assassiné par le parti du pontife tibétain. Le cinquième
Dalaï-lama était l’artisan, avec l’appui des armées mongoles, du pouvoir
religieux centralisé et autoritaire. Il n’est pas surprenant de voir
des opposants se regrouper sous la "bannière" d’une victime de ce
pouvoir religieux.
Le
Dalaï-lama est déterminé à éradiquer le culte de Shougden et à
excommunier ses adeptes. Un reportage de France 24 révèle l’existence de
la persécution religieuse orchestrée par le prix Nobel de la paix.
Traités
en parias, exclus des monastères, victimes de brimades, des adeptes de
Shougden traduisent le Dalaï-lama devant la Haute Cour de Justice de
l’Inde. Le chantre de la tolérance et de la compassion est accusé de
persécution religieuse.
REPORTAGE en français :http://www.france24.com/fr/20080808-inde-tibetain-dalai-lama-bouddhistes-demons-shugden-scission-schisme-moines
Près
de 100 000 réfugiés tibétains vivent en Inde. Un exil qui a commencé en
1959 lorsque le premier d'entre eux, le dalaï-lama, a fui le Tibet
après l'invasion chinoise. Près de cinquante années plus tard, une
scission semble apparaître au sein de la communauté tibétaine
bouddhiste.
D'un
côté, les fidèles du dalaï-lama et du culte traditionnel qu'il incarne.
De l’autre, les adeptes du culte Dorjé Shugden, une déité du bouddhisme
traditionnel tibétain que le dalaï-lama considère comme un démon. Ces
derniers ne croient plus en leur leader spirituel et sont ostracisés par
leurs pairs.
Derrière
la divergence spirituelle, un enjeu politique : les Shugden sont
ouvertement accusés par le dalaï-lama de soutenir la Chine et de trahir
la cause tibétaine.
Des adeptes mis au banc
"Regardez
ce qui est écrit : les pratiquants de Shugden n’ont pas le droit de
rentrer dans ce magasin", se lamente Delegtang, un moine shugden. Depuis
deux mois, à Balykoppe, son village de réfugiés tibétains du sud de
l'Inde, toutes les portes lui sont fermées, à lui et aux membres de sa
communauté.
"J’ai
fait le serment auprès de sa sainteté le dalaï-lama de ne plus avoir
aucun lien avec les pratiquants shugden, ils font du mal à la cause
tibétaine", assène une commerçante.
"Le
dalaï-lama est notre seul pilier, il est la seul personne sur qui l'on
puisse compter", explique un moine fidèle à son chef spirituel.
En
quelques mois, la ville a mis au banc une partie de sa population. Les
moines shugden ne peuvent en effet plus entrer dans les commerces, les
lieux publics et même dans les hôpitaux. Dans les rues, on peut voir les
portraits de leurs leaders placardés sur les murs, comme des
hors-la-loi.
Un discours violent du dalaï-lama
Le
7 janvier, le dalaï-lama a prononcé un discours d’une rare violence
dans une université du sud de l’Inde. Devant des centaines de moines, il
a fermement condamné le mouvement shugden et ses adeptes. "Je n’ai pas
interdit les Shugden pour mon propre intérêt, j’y ai mûrement médité et
réfléchi en mon âme et conscience."
Quelques
semaines après le discours du dalaï-lama, les moines shugden ne
pouvaient plus entrer dans les monastères. Le début, peut-être, d'un
schisme qui pourrait exclure les quatre millions de Tibétains adeptes de
cette religion.
Les
moines récalcitrants se regroupent désormais à l'écart des lieux de
culte. Ils sont vus comme des rebelles, des traîtres, qui ont tourné le
dos à leur maître spirituel.
A
la question "le dalaï-lama va-t-il vraiment réussir à interdire une
religion ?", les moines répondent catégoriquement : "Il n’y arrivera pas
parce que nous sommes dans le vrai". "D’un coté, le dalaï-lama parle
tout le temps de liberté de religion et de compassion et, de l'autre, il
nous interdit de pratiquer notre religion et nous chasse des
monastères. C'est incohérent, on ne croit plus du tout en lui", témoigne
l’un de ces moines.
Soupçons
sur le dalaï-lama : ses démons seraient-ils plus politiques que
spirituels ? Réponse à Dharamsala, au nord de l'Inde – le fief du
dalaï-lama. C'est là qu'il vit, dans ce monastère, depuis qu'il a fui le
Tibet, il y a 50 ans. C'est aussi là que siège le gouvernement tibétain
en exil. Pour le Premier ministre, les Shugden sont avant tout des
ennemis politiques, des ennemis de l'intérieur.
Amitiés chinoises
"Ils
sont prêts à tuer n’importe qui, à frapper n’importe qui",
affirme-t-il. Les Shugden, des assassins, mais surtout traîtres
politiques à la solde des Chinois, selon les proches du dalaï-lama. "Les
Shugden et les Chinois sont liés, c’est évident, poursuit-il. Les
pratiquants shugden sont tous financés par les Chinois."Le chef de la
sécurité nous montre la photo d’un Shugden très influent. "Il a visité
la Chine au moins deux ou trois fois, nous explique-t-il. Il est utilisé
par les Chinois à des fins politiques.
"Nous avons retrouvé l'homme figurant sur la photo. Il vit dans le sud de l'Inde, entouré d'une dizaine de disciples.
Il
vient de déposer plainte contre le dalaï-lama devant la Haute Cour de
justice indienne pour persécution religieuse. Il nie travailler pour le
compte de la Chine mais ne pas cache son amitié pour le pays.
"J’apprécie beaucoup les Chinois et j'approuve ce qu’ils sont en train
de faire au Tibet", dit-il. Et d'ajouter "ce que nous sommes en train de
vivre avec le dalaï-lama laisse facilement imaginer ce que pouvait être
dans le passé son régime théocratique au Tibet. C'était beaucoup plus
violent que ce que vivent aujourd'hui les Tibétains.
"En
Inde, les fidèles shundgen sont aujourd'hui obligés de se cacher.
Derrière cette chasse aux Shugden : la peur de l'infiltration chinoise
dans les rangs des réfugiés tibétains. Cette fissure pourrait s’avérer
dangereuse dans le combat pour l'autonomie du Tibet.