Saturday, September 13, 2014

Le Nirvana

Nirvana signifie extinction ou plus exactement l'action d'un souffle qui passe sur une flamme et l'éteint. Telle est la raison pour laquelle les premiers traducteurs d'Occident ont conclu trop hâtivement au nihilisme du Bouddhisme.

Certes, le terme Nirvana signifie extinction mais encore faut-il voir exactement ce qui s'éteint ! Le Nirvana est l'extinction de la flamme du processus du « moi » à laquelle nous avons fait allusion assez fréquemment. C'est aussi la cessation de l'ignorance, ce maillon de base de la chaîne des origines interdépendantes. (Pratityasamûtpada.)

« L'anéantissement du désir, l'anéantissement de la haine, l'anéantissement de l'égarement, voilà, ami, ce que l'on appelle le Nirvana », est-il dit dans le Samyutta Nikaya.

Lorsque cessent les fausses identifications engendrées par l'ignorance et les tensions inhérentes à l'avidité de devenir, nous nous intégrons dans la nature profonde des choses.

L'expérience du Nirvana ne consacre pas la réalisation d'un désir subtil du « moi ». Son accomplissement a pour conditions « sine qua non », l'élimination de tout désir, de toute attente, de tout « a priori » mental, de toute représentation imaginative.

Nirvâna n'est pas un état surnaturel, surhumain. Il est la plénitude de l'humain. Nirvana est l'état normal de l'esprit affranchi de tous ses conditionnements égoïstes d'attachement, de convoitise, d'ambitions.

Dans cet état nous n'avons pas atteint une réalité qui nous est extérieure, nous n'avons pas acquis de nouveaux biens. Nous nous sommes simplement révélés à nous-mêmes dans la plénitude de ce que nous sommes.

« Entre le Nirvâna et le Samsara, il n'existe pas la moindre différence, nous dit Chandrakirti. Il faut comprendre que rien n'est supprimé, rien n'est vraiment anéanti dans le Nirvana. Le Nirvana consiste simplement dans la suppression complète de toutes les constructions erronées de notre imagination.»

Lorsque notre mental se dépouille de ses fausses accumulations, il se transmue en une intelligence pure n'ayant aucune commune mesure avec l'intellectualité ordinaire. Lorsque notre cœur se libère des attachements et des limitations de l'égoïsme et de l'identification, seule subsiste la plus haute forme de l'amour. Mais le Nirvana dépasse les distinctions de l'amour et d'intelligence. Ces deux tendances, pour nous distinctes et séparées, s'intègrent dans une seule et même apothéose, qui se renouvelle d'instant en instant, de toute éternité. Telles sont les raisons pour lesquelles nous considérons que le Nirvana n'apporte pas la déshumanisation de l'humain mais consacre la plénitude de son accomplissement. Seul est digne du nom d'homme, celui qui répond fidèlement aux exigences de son essence la plus profonde et la plus réelle. « II n'y a plus alors, à proprement parler, ni mémoires, ni pensée, ni effort, mais un fonctionnement total, un mouvement intérieur simple et indécomposable, un écoulement d'énergie qui s'effectue de lui-même sans arrêt et sans obstacle. Il devient superflu de rechercher ce qui, dans ce flot, d'où se détachent à chaque instant des actions externes, appartient à l'émotion ou procède de la pensée. » (R. Fouéré, De l'acte complet, ibid., p. 208)

Nirvana est l'état d'innocence suprême, l'état sans ego. En Nirvana se révèle la félicité existentielle du Dharmakaya ou « Corps de Vérité ».

Robert Linssen

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