La
fête d'anniversaire du dalaï-lama, qui vient de souffler ses 75
bougies, a livré quelques clés concernant la succession mystère du chef
spirituel et politique des Tibétains : assis à côté du prix Nobel de la
paix, se tenait un lama de 26 ans à l'avenir prometteur.
Orgyen
Trinley Dordje revendique le titre de 17e karmapa, l'un des plus
importants chefs du bouddhisme tibétain. Séparés par deux générations,
le dalaï-lama et le karmapa partagent un lien particulier: ils ont tous
deux fui leur pays pour vivre un exil incertain. Le karmapa, qui
s'enfuit en 1999, a aujourd'hui le même âge que le dalaï-lama quand
celui-ci quitta le Tibet à la suite d'un soulèvement anti-chinois. Tous
deux vivent à Dharamsala, dans le nord de l'Inde, une ville qui sert de
base au gouvernement tibétain en exil, dont le dalaï-lama est le chef.
"Il est comme une figure paternelle pour moi. Je le considère comme mon professeur et mon guide", confie-t-il dans un entretien à l'AFP. Selon lui, la mort du dalaï-lama, de son vrai nom Tenzin Gyatso, aura un "impact énorme"
sur le mouvement tibétain et la lutte pour une véritable autonomie au
sein de l'administration chinoise. Il n'y a cependant pas "de précipitation" pour penser à la succession, jure-t-il, avant d'ajouter qu'il "ferait de son mieux pour aider aux activités que le dalaï-lama a portées" pour le Tibet et les Tibétains.
Le
karmapa est l'un des chefs spirituels bouddhistes les plus importants
au Tibet, avec le dalaï-lama et le panchen-lama. Mais le dernier
panchen-lama, un enfant de six ans nommé par le dalaï-lama en mai 1995, a
été porté disparu peu après et Pékin a nommé son propre candidat. Même
s'il ne pourra jamais devenir le 15e dalaï-lama car il appartient à une
autre branche du bouddhisme, le karmapa pourrait avoir une position
dominante jusqu'à ce qu'une nouvelle figure soit trouvée.
Ce
karmapa a été à la fois reconnu par le dalaï-lama et intronisé par le
pouvoir chinois, avant sa fuite du pays, ce qui fait de lui une figure
très influente. Il est de ce fait considéré comme un possible médiateur
entre Pékin et les 200.000 membres de la communauté tibétaine en exil,
même si selon lui, il reste considéré avec méfiance par la Chine.
Sa
fuite du Tibet, à l'âge de 14 ans, avait été motivée par la crainte de
se voir réduit à un rôle de marionnette par les autorités chinoises.
"L'une de mes inquiétudes était qu'à l'âge de 18 ans, j'obtienne un
poste au sein du gouvernement (chinois) et qu'alors je doive aller
contre sa Sainteté et la cause pour le Tibet", explique-t-il.
Vivant
désormais sous la loi indienne, il est soumis à des restrictions de
déplacement. Un voyage prévu en Europe cette année a ainsi échoué et son
seul voyage en 11 ans à l'étranger fut aux Etats-Unis en 2008.
L'existence en Inde d'un mouvement tibétain, qui milite ouvertement pour
l'autonomie ou l'indépendance et dénonce des violations des droits de
l'Homme au Tibet, tend les relations diplomatiques entre l'Inde et la
Chine. Interrogé par l'AFP, le porte-parole du dalaï-lama, Tenzin
Taklha, souligne que le karmapa est l'un des nombreux lamas à pouvoir
endosser des responsabilités après la mort du dalaï-lama. "Il est
certainement l'un des chefs spirituels les plus importants. Il est
charismatique et un chef prometteur avec un nombre important de
fidèles", a-t-il cependant souligné.
Traditionnellement,
la recherche du dalaï-lama est menée par les lamas les plus haut placés
dans la hiérarchie, mais le régime communiste chinois a récemment
indiqué qu'il se réservait le droit d'avoir le dernier mot.