Sunday, September 14, 2014

Poil à gratter oriental

Monsieur Ma Zu (709-788) disait :

« Depuis des temps immémoriaux, les illusions humaines issues de l'orgueil, de la duperie, de la sournoiserie, de la prétention, se sont agglomérées en une forme corporelle. C'est pourquoi, disent les Écritures, ce corps n'est qu'un ensemble d'éléments dont l'apparition et la disparition ne sont rien d'autre que l'apparition et la disparition de ces éléments sans identité. [...]

Illusion signifie que l'on a réalisé sa propre essence fondamentale. Une fois illuminé, on ne retombe plus dans l'illusion. Si l'on comprend l'esprit et si l'on comprend les phénomènes, les fausses conceptions cessent d'apparaître. Quand les fausses conceptions ont cessé d'apparaître, on reconnaît le commencement sans commencement des phénomènes. On l'a toujours eu en soi, on l'a maintenant. Pour cela, point n'est besoin de cultiver la Voie ou de s'asseoir en méditation. »

Pour Monsieur Fen Yang (947-1024) :

« C'est par vous-même que vous devez distinguer entre ce qui est sacré et ce qui est ordinaire, entre ce qui est mal et ce qui est bien. Ne vous préoccupez pas des jugements des autres. Combien sont-ils ceux qui ont trouvé le moyen de découvrir chaque subtilité ? En général, tous suivent leurs sens matériels courant partout comme des idiots.

Quand cesserez-vous d'être en compétition ? Avant que vous ayez pu vous en rendre compte, la scène a déjà changé. On est passé du printemps à l'automne. Les feuilles tombent, les oiseaux migrent, la gelée durcit. Vêtu et chaussé, que chercher de plus ?

Si vous connaissez l'esprit, l'esprit est Bouddha. Si vous ne le connaissez pas, c'est le démon. Le démon et le Bouddha sont les produits d'un seul et même esprit. Le Bouddha est réel, le démon est folie.

Peu de gens croient avec sincérité que leur propre esprit est Bouddha. La plupart ne prennent pas cela au sérieux et en conséquence, ils sont étriqués. Ils sont enveloppés d'illusions, de convoitises, de ressentiments et d'autres afflictions, tout ça parce qu'ils aiment par-dessus tout la caverne de leur ignorance. »

Monsieur Foyan (1067-1120) ajoutait :

« Je conseille d'apprendre à se connaître soi-même. Certains pourront penser que c'est un conseil destiné aux débutants et que c'est facile. Réfléchissez plus soigneusement et de manière pondérée, qu'est-ce, ce que l'on appelle soi-même ?

« Le bouddhisme est un enseignement facile à comprendre et qui permet d'accroître son énergie, mais les gens eux-mêmes créent leurs propres souffrances. Pour les aider, les anciens conseillaient de méditer tranquillement. C'était un bon conseil. Plus tard, ce conseil fut mal compris : les gens fermaient les yeux, comprimaient leur esprit et leur corps et s'asseyaient comme des ballots en attendant l'illumination. Quelle stupidité ! »

Il y a mille ans, Monsieur Da Hui (1089-1163) dénonçait le déclin du bouddhisme et de la société :

« En ces temps "modernes", Zen et bouddhisme connaissent une grave dégénérescence. Il existe des maîtres incompétents chez qui est fondamentalement absente l'illumination, dont la conscience est chaotique et sur qui on ne peut compter. Manquant de capacités, ils apprennent à leurs étudiants à devenir comme eux.

Les gens sont arriérés : ignorants du vrai soi, ils courent après des biens, souffrant volontairement d'immenses douleurs pour satisfaire leurs désirs d'un peu de plaisir.

Le matin, avant même d'ouvrir les yeux et de sortir du lit, à demi réveillés, leurs esprits virevoltent déjà dans la confusion, suivant le cours de pensées hasardeuses. Les actes, bons ou mauvais, n'ont pas encore fait leur apparition, mais, avant qu'ils soient sortis du lit, dans leur cœur, ils ont déjà donné forme au paradis et à l'enfer. Et, au moment d'agir, les graines d'enfer et de paradis sont déjà plantées dans leurs esprits.

Le Bouddha ne disait-il pas : « Toutes les facultés des sens sont des réceptacles rendus manifestes par votre propre esprit. Les corps physiques sont des manifestations de représentations de votre propre esprit telles que subjectivement vous les avez imaginées. Ces manifestations sont comparables au courant d'une rivière, à des graines, à une lampe, au vent, disparaissant instant après instant. L'activité frénétique, l'attraction pour des choses impures et la voracité, sont les causes d'habitudes inutiles, décevantes qui semblent avoir toujours existé, semblables à la roue d'un moulin qui tourne sans arrêt. »

Si vous pénétrez réellement cette vision des choses, vous comprenez le sens d'impersonnalité. Vous savez que le paradis et l'enfer ne sont nulle part ailleurs que dans le cœur d'un individu à demi réveillé et prêt à sortir du lit, ils ne viennent pas de l'extérieur.

Pendant la période où vous êtes réveillé, faites attention. Tout en faisant attention, ne faites aucun effort pour combattre ce qui vient à votre esprit car en combattant, vous gaspillez de l'énergie. Le Troisième Patriarche disait : « Si vous essayez d'arrêter un mouvement pour lui faire retrouver l'immobilité, votre effort va augmenter le mouvement. »

Quand, au centre des tensions de la vie mondaine et des affaires quotidiennes, vous êtes capable d'économiser de l'énergie, c'est là que vous en gagnez, c'est là que vous atteignez la bouddhéité, c'est là que vous transformez l'enfer en paradis. »

Textes traduits par Thomas Cleary



No comments: