Auteur
du livre « Plaidoyer pour le bonheur », Matthieu Ricard
excelle dans l'art de noyer le poisson (ou le pastis) et de nous
mystifier chapitre après chapitre. Véritable
voyageur-représentant-placier du lamaïsme, il distille, sans la
moindre compassion pour les victimes du servage, le mythe du
Tibet terre de bonheur au temps des dalaï-lamas. Ses propos
philosophiques ou scientifiques sur la méditation dissimulent un
habile prosélytisme religieux. Ainsi prévenu, on évitera la
lecture sans modération d'un Ricard qui peut se révéler
intoxicant.
Instrumentalisée
par les fossoyeurs de la démocratie, l'ivresse des extases
méditatives sera-t-elle fatale à la liberté ? Matthieu Ricard
intériorise la liberté et l'extirpe totalement du domaine social et
politique. Les méditants, conditionnés pour ne s'affranchir que des
pensée « désordonnées », se soumettent volontiers à
la hiérarchie des lamas ou de celle plus actuelle de l'oligarchie
politico-financière. Hiérarchie qui, pendant que l'on incite les
gens à méditer sur l'« être », accapare l'« avoir ».
« Être
libre, dit Matthieu Ricard, c'est être maître de soi-même. Pour
beaucoup de gens, une telle maîtrise concerne la liberté d'action,
de mouvement et d'opinion, l'occasion de réaliser les buts qu'on
s'est fixés. Ce faisant, on situe principalement la liberté à
l'extérieur de soi, sans prendre conscience de la tyrannie des
pensées. De fait, une conception répandue en Occident consiste à
penser qu'être libre revient à pouvoir faire tout ce qui nous passe
par la tête et traduire en actes le moindre de nos caprices. Étrange
conception, puisque nous devenons ainsi le jouet des pensées qui
agitent notre esprit, comme les vents courbent dans toutes les
directions les herbes au sommet d'un col.
«
Pour moi, le bonheur serait de faire tout ce que je veux sans que
personne m'interdise quoi que ce soit », déclarait une jeune
Anglaise interrogée par la BBC. La
liberté anarchique, qui a pour seul but l'accomplissement immédiat
des désirs, apportera-t-elle le bonheur ? On peut en douter. La
spontanéité est une qualité précieuse à condition de ne pas la
confondre avec l'agitation mentale. Si nous lâchons dans notre
esprit la meute du désir, de la jalousie, de l'orgueil ou du
ressentiment, elle aura tôt fait de s'approprier les lieux et de
nous imposer un univers carcéral en expansion continue. Les prisons
s'additionnent et se juxtaposent, oblitérant toute joie de vivre. En
revanche, un seul espace de liberté intérieure suffit pour
embrasser la dimension tout entière de l'esprit. Un espace vaste,
lucide et serein, qui dissout tout tourment et nourrit toute paix.
La
liberté intérieure, c'est d'abord l'affranchissement de la
dictature du « moi » et du « mien », de l'« être asservi et de
l'« avoir » envahissant, de cet ego qui entre en conflit avec ce
qui lui déplaît et tente désespérément de s'approprier ce qu'il
convoite. Savoir trouver l'essentiel et ne plus s'inquiéter de
l'accessoire entraîne un profond sentiment de contentement sur
lequel les fantaisies du moi n'ont aucune prise. « Celui qui éprouve
un tel contentement, dit le proverbe tibétain, tient un trésor au
creux de sa main. »
Être
libre revient donc à s'émanciper de la contrainte des afflictions
qui dominent l'esprit et l'obscurcissent. C'est prendre sa vie en
main, au lieu de l'abandonner aux tendances forgées par l'habitude
et à la confusion mentale. Ce n'est pas lâcher la barre, laisser
les voiles flotter au vent et le bateau partir à la dérive, mais
barrer en mettant le cap vers la destination choisie. »
Matthieu
Ricard, Plaidoyer pour le
bonheur.