« Quand
il se trouve disposé
à
la vraie intériorité,
qu'il
laisse hardiment tomber
toute
chose extérieure. »
Eckhart
Le
bouddhisme tibétain participe-t-il à ce que René Guénon appelait
la « grande parodie ou la spiritualité à rebours » ?
Depuis
l'aggravation de la crise économique, des dignitaires du lamaïsme
renvoient l'ascenseur aux puissants qui sont au sommet du système totalitaire marchand, comme le financier Geoge Soros, l'un des
principaux sponsors du dalaï-lama.
Lors
de colloques économiques, des lamas (Jigmé Rinpotché,
Matthieu Ricard à Davos, Tarthang Tulkou...) cautionnent, bien
entendu d'une façon toute jésuitique, le système totalitaire
marchand en prétextant apporter la vision bouddhiste du monde des
affaires.
Marie-Madeleine
Davy rappelle que des spiritualistes « s'évadent de
l'omnitude, de la conscience commune, des formes sclérosées, des
antihumanismes et parfois de certaines formulation religieuses
aliénantes ». En revanche, dans ces colloques économiques
les lamas collabos soutiennent sans vergogne le monstrueux système
actuel et dissuadent les gens de le quitter. Par exemple, Tarthang
Tulkou n'a pas hésité à déclarer :
« Les
communautés spirituelles et les individus ne peuvent se permettre de
quitter les affaires mondaines pour d'autres affaires, car elles ne
peuvent plus compter sur le soutien de toute une société. »
Les
personnes qui sont familiarisées avec l'érémitisme n'ignorent
pas que les spiritualistes épris de liberté n'ont pas besoin du
soutien de la société. Certains ont survécu très loin de la
société, dans les contrées les plus sauvages comme les déserts ou
l’immense forêt sibérienne.
Par
exemple, dans les années 1980, en Sibérie, là où les monts de
l’Altaï rejoignent ceux du Saïan, des géologues russes ont découvert une famille de vieux-croyants qui avaient fuit le monde
depuis plus de quarante ans.
Les vieux-croyants, les raskoloniki, s’opposèrent aux réformes religieuses de Nikon le patriarche de Moscou. Ils tenaient à conserver dans son intégrité l’ancienne foi, de là le nom de vieux-croyants. Cette crise fit émerger des profondeurs populaires, une mystique libertaire. Les vieux-croyants rejetaient l’autorité du tsar. Ils abhorraient toutes les lois impériales et cléricales, les papiers d’identité, l’argent, les jeux… Ils décrétaient : « L’amitié avec le siècle est une hostilité contre Dieu. Il faut fuir et se cacher ! »
« Fuir et se cacher » était la devise de cet érémitisme radical qui durant plus de trois siècles avait poussé les vieux-croyants dans les régions les plus sauvages de l’empire russe. Après une longue errance, un groupe de cette secte s’installa sur l’Abakan, dans une région impénétrable du Saïan.
Durant
les années 1930, une famille, les Lykov, rompit avec la communauté
pour vivre en anachorète au cœur de la taïga.
Les Lykov étaient redevenus les enfants libres de la nature. Les ermites trouvaient une grande partie de leur nourriture dans la Taïga. « Sans ses fruits, écrit Vassili Peskov, l’homme ne pourrait pas y vivre longtemps dans l’isolement total. Dès avril les bouleaux donnaient leur sève. On la recueillait dans des seaux d’écorce. S’ils n’avaient pas manqué de vaisselle, les Lykov en auraient sûrement fabriqué du sirop, par réchauffement. Mais allez poser un seau d’écorce sur le feu… On plaçait le seau dans le torrent, réfrigérateur naturel où la sève se gardait longtemps.
Après la sève de bouleau, on allait cueillir l’oignon sauvage et l’ortie. De l’ortie on faisait une soupe et l’on séchait des bottes pour l’hiver, utiles à la " robustesse du corps ". L’été venu, on ramassait les champignons (que l’on mangeait cuits au four et bouillis à l’eau), la framboise, la myrtille, l’airelle rouge, le cassis. (…)
Fin août arrivait le temps des récoltes, reléguant à l’arrière-plan tous les autres soucis. On allait à la cueillette des pommes de cèdre dont les graines faisaient office de " pommes de terre de la taïga ". Les cônes de cèdre les plus bas étaient décrochés à l’aide d’une longue perche de sapin. Mais il fallait toujours grimper à l’arbre pour secouer les plus hauts. Tous les Lykov – les jeunes et les vieux, les hommes et les femmes – grimpaient aux cèdres avec aisance. Ils jetaient les pommes dans des cuves creusées, puis les décortiquaient sur des râpes en bois. Ensuite les graines séchaient à l’air. Une fois propres et sélectionnées, elles se conservaient dans les récipients d’écorce, à l’intérieur de l’isba et des garde-manger, protégées contre l’humidité, les ours et les rongeurs. » (Vasili Peskov, Ermites dans la Taïga, Babel, 1995)
La
pratique intérieure du travail
Hostiles
à l'idéal de liberté des véritables spiritualistes et des ermites, les
hiérarques néo-bouddhistes, notamment lamaïstes, participent à
la soumission des travailleurs en répandant un sophisme nommé « la
pratique intérieure du travail ».
« Quand
le travail devient une voie de réalisation, dit le lama Tarthang
Tulkou, nos actions deviennent significatives d'instant en instant.
Nous nous débarrassons de la sensation paralysante de ce que le
temps passé à travailler est du temps soustrait à nos intérêts
véritables, et nous reprenons le contrôle d'une moitié de notre
vie. Maintenant, nous pouvons vraiment nous chercher. Au lieu de
nous installer dans la déception et la frustration, nous pouvons
nous mettre au service de nos intérêts les plus précieux dans tout
ce que nous faisons. En même temps, nous disposons le travail de
base pour une véritable transformation de la nature du travail même
sans perdre la réussite de vue, nous apprenons à travailler d'une
façon plus humaine, plus gratifiante, et plus coopérante. Nous
apprenons à travailler en harmonie avec nos intérêts les plus
profonds, à respecter l'environnement qui nous abrite et nous
nourrit, et à pourvoir aux besoins des autres.
Les
leçons que nous donne le travail ont trait à nos erreurs et à nos
échecs, mais elles peuvent être les leçons les plus importantes.
Peut-être que ce que nous voyons c'est la façon dont nous nous
trompons nous-mêmes en travaillant : les excuses et la paresse, la
tension et les soucis, l'effondrement et la procrastination. Si c'est
le cas, nous pouvons tirer un immense profit de nos expériences.
Conscients de ce que nous faisons, nous pouvons émettre l'intention
de changer et d'acquérir la discipline pour ce faire. Le travail
devient alors notre sauvegarde, permettant notre transformation - le
moyen grâce auquel nous pouvons améliorer notre façon de penser,
nos attitudes, nos relations, et nos actions.
Grâce
au travail, nous pouvons éprouver immédiatement l'efficacité des
changements opérés. Nous pouvons voir ce qui marche et ce qui ne
fonctionne pas, et nous pouvons mettre en pratique tout ce qui
produit le meilleur résultat. En même temps, nous apprenons le
pouvoir d'une attitude, d'une perspective positives. Où trouver
meilleur apprentissage ?
Le
travail a une valeur pour chaque aspect de l'être humain. Grâce à
notre travail, nous pouvons inviter un mode de vie gorgé de richesse
et de santé, fondé sur une abondance d'attention, de concentration
et d'énergie. La richesse qui vient grâce à cette façon d'être,
bannit à jamais la pensée que nos vies sont appauvries. Quelles que
soient les circonstances qui nous entourent, les conditions qui nous
échoient, nous sommes prêts à aller de l'avant, allant avec
constance vers la plénitude. »
Tarthang
Tulkou partagerait-il le slogan nazi, inscrit à l'entrée des camps
de concentration : « Arbeit macht frei » (le travail rend
libre) ?