Sunday, September 14, 2014

Le Karma



Réseau Parental Europe m'informe que http://www.aiiap.org, site espagnol de lutte contre les manipulations mentales, a mis en ligne les témoignages de deux victimes du bouddhisme tibétain.

Dans les deux cas, la doctrine du karma est utilisée pour abuser les adeptes des centres bouddhistes incriminés : Sakya Tashi Ling du Garraf en Catalogne, connu pour ses CD de mantras, et La Nouvelle Tradition Kadampa.

Le karma

« Le nirvana reste dans l'ensemble un concept trop vague pour la plupart des pratiquants, un but lointain qu'on ne mentionne que pour la forme, un cadre absolu qui sert surtout à relativiser l'existence et à la mettre en perspective. L'acte (karma), ou plus exactement la rétribution des actes, fournit un concept beaucoup plus opératoire, car il permet d'expliquer les structures de ce monde et de l'autre, les inégalités sociales et le destin individuel. Sans remettre en question la hiérarchie sociale, il autorise à espérer une amélioration de la destinée individuelle en cette vie ou dans les suivantes. Mais il fonde aussi la morale, et renforce toutes les idéologies de domination : on naît pauvre ou esclave parce qu'on le mérite, il n'y a plus de raisons de se révolter, mieux vaut chercher à se réformer soi-même dans l'espoir d'une renaissance heureuse. L'accumulation des mérites, le bon karma, permet bien sûr d'espérer la délivrance finale, et tel est le but avoué de la pratique bouddhique. Mais dans la réalité, on en attend surtout l'amélioration de l'existence présente ou future, les honneurs et la richesse si l'on est laïc, l'obtention de pouvoirs spirituels ou magiques si l'on est moine et ambitieux.

Le karma a aussi servi, dans une certaine mesure, à « désenchanter le monde » en y introduisant une rationalité inexorable. Dura lex, sed lex. Cette loi d'airain vaut mieux, à tout prendre, que les redoutables caprices des dieux et des démons des mythologies archaïques. Rien n'est plus effrayant que l'inconnu, et un au-delà infernal, mais bien connu, humanisé malgré ses tortures inhumaines, peut paraître dans le fond préférable à l'angoisse d'un vague monde des ombres comme le Sheol juif, l'Hadès grec ou l'ancien yomi no kuni japonais. L'enfer chrétien, quant à lui, a hérité nombre de ses motifs des enfers bouddhiques. […]

Dans le « subitisme » Chan, on voit apparaître une tendance à nier, non seulement tout acte qui entraînerait rétribution, mais la pertinence de la loi karmique elle-même. Le maître Chan Linji représente sans doute l'exemple le plus radical de cette réinterprétation :

« Vous dites de toutes parts qu'il y a des pratiques à cultiver, des fruits à éprouver. Ne vous y trompez pas ! S'il y a quelque chose à obtenir par la culture, tout cela relève de l'acte, qui fait naître et mourir. Vous dites que vous cultivez toutes ensemble les dix mille pratiques des Six Perfections : je ne vois là que fabrication d'actes. Chercher le Bouddha, chercher la Loi : autant d'actes fabricateurs d'enfer. Chercher le Bodhisattva, c'est aussi fabriquer de l'acte. Ou encore lire les Textes, lire l'Enseignement — fabrication d'actes. Les Bouddha et les maîtres-patriarches sont gens sans affaires. Adeptes, il n'y a pas de travail dans le bouddhisme. Le tout est de se tenir dans l'ordinaire, et sans affaires : chier et pisser, se vêtir et manger... Soyez votre propre maître où que vous soyez, et « sur-le-champ vous serez vrais ». Les objets qui viennent à vous ne pourront vous détourner. Il n'est pas jusqu'à vos imprégnations antérieures, et aux cinq péchés entraînant damnation immédiate, qui ne vous deviennent alors océan de délivrance. »

Tous les maîtres Chan, et à plus forte raison les autres bouddhistes chinois, ne partageaient cependant pas le radicalisme de Linji, et beaucoup le jugeaient dangereux, dans la mesure où il remettait en cause la discipline monastique et les œuvres méritoires. »
 
Bernard Faure, Bouddhismes, philosophies et religions.



De nos jours, toutes les écoles bouddhistes, même celles qui prétendent transmettre l'enseignement de Linji, recommandent la pratique d'actes méritoires afin de capitaliser du bon karma. Donner son argent et ses biens au gourou est considéré comme l'œuvre méritoire par excellence qui procurera le bonheur... dans une autre vie.