Réseau Parental Europe m'informe que http://www.aiiap.org,
site espagnol de lutte contre les manipulations mentales, a mis en
ligne les témoignages de deux victimes du bouddhisme tibétain.
Dans
les deux cas, la doctrine du karma est utilisée pour abuser les adeptes
des centres bouddhistes incriminés : Sakya Tashi Ling du Garraf en
Catalogne, connu pour ses CD de mantras, et La Nouvelle Tradition
Kadampa.
Le karma
« Le
nirvana reste dans l'ensemble un concept trop vague pour la plupart des
pratiquants, un but lointain qu'on ne mentionne que pour la forme, un
cadre absolu qui sert surtout à relativiser l'existence et à la mettre
en perspective. L'acte (karma), ou plus exactement la rétribution des
actes, fournit un concept beaucoup plus opératoire, car il permet
d'expliquer les structures de ce monde et de l'autre, les inégalités
sociales et le destin individuel. Sans remettre en question la
hiérarchie sociale, il autorise à espérer une amélioration de la
destinée individuelle en cette vie ou dans les suivantes. Mais il fonde
aussi la morale, et renforce toutes les idéologies de domination :
on naît pauvre ou esclave parce qu'on le mérite, il n'y a plus de
raisons de se révolter, mieux vaut chercher à se réformer soi-même dans
l'espoir d'une renaissance heureuse. L'accumulation des mérites, le bon
karma, permet bien sûr d'espérer la délivrance finale, et tel est le but
avoué de la pratique bouddhique. Mais dans la réalité, on en attend
surtout l'amélioration de l'existence présente ou future, les honneurs
et la richesse si l'on est laïc, l'obtention de pouvoirs spirituels ou
magiques si l'on est moine et ambitieux.
Le karma a aussi servi, dans une certaine mesure, à « désenchanter le monde » en y introduisant une rationalité inexorable. Dura lex, sed lex.
Cette loi d'airain vaut mieux, à tout prendre, que les redoutables
caprices des dieux et des démons des mythologies archaïques. Rien n'est
plus effrayant que l'inconnu, et un au-delà infernal, mais bien connu,
humanisé malgré ses tortures inhumaines, peut paraître dans le fond
préférable à l'angoisse d'un vague monde des ombres comme le Sheol juif,
l'Hadès grec ou l'ancien yomi no kuni japonais. L'enfer chrétien, quant à lui, a hérité nombre de ses motifs des enfers bouddhiques. […]
Dans
le « subitisme » Chan, on voit apparaître une tendance à nier, non
seulement tout acte qui entraînerait rétribution, mais la pertinence de
la loi karmique elle-même. Le maître Chan Linji représente sans doute
l'exemple le plus radical de cette réinterprétation :
« Vous
dites de toutes parts qu'il y a des pratiques à cultiver, des fruits à
éprouver. Ne vous y trompez pas ! S'il y a quelque chose à obtenir par
la culture, tout cela relève de l'acte, qui fait naître et mourir. Vous
dites que vous cultivez toutes ensemble les dix mille pratiques des Six
Perfections : je ne vois là que fabrication d'actes. Chercher le
Bouddha, chercher la Loi : autant d'actes fabricateurs d'enfer. Chercher
le Bodhisattva, c'est aussi fabriquer de l'acte. Ou encore lire les
Textes, lire l'Enseignement — fabrication d'actes. Les Bouddha et les
maîtres-patriarches sont gens sans affaires. Adeptes, il n'y a pas de
travail dans le bouddhisme. Le tout est de se tenir dans l'ordinaire, et
sans affaires : chier et pisser, se vêtir et manger... Soyez votre
propre maître où que vous soyez, et « sur-le-champ vous serez vrais ».
Les objets qui viennent à vous ne pourront vous détourner. Il n'est pas
jusqu'à vos imprégnations antérieures, et aux cinq péchés entraînant
damnation immédiate, qui ne vous deviennent alors océan de délivrance. »
Tous
les maîtres Chan, et à plus forte raison les autres bouddhistes
chinois, ne partageaient cependant pas le radicalisme de Linji, et
beaucoup le jugeaient dangereux, dans la mesure où il remettait en cause
la discipline monastique et les œuvres méritoires. »
Bernard Faure, Bouddhismes, philosophies et religions.
De
nos jours, toutes les écoles bouddhistes, même celles qui prétendent
transmettre l'enseignement de Linji, recommandent la pratique d'actes
méritoires afin de capitaliser du bon karma. Donner son argent et ses
biens au gourou est considéré comme l'œuvre méritoire par excellence qui
procurera le bonheur... dans une autre vie.