Sunday, September 14, 2014

La véritable méditation selon Guendune Rinpoché

Certaines personnes identifient la méditation à un état dans lequel l'esprit serait complètement « ailleurs » : le corps est maintenu rigide comme un morceau de bois, et l'esprit est figé dans une recherche d'ouverture et de clarté. Cette attitude, créée et maintenue artificiellement par la volonté et la tension, est erronée. D'autres personnes se concentrent sur la vacuité, essayant de « faire le vide », de produire une dimension spéciale de « vide » dans laquelle rien n'apparaît jamais, une sphère bienheureuse où l'on serait protégé de « tout » dans le « rien ». Bien entendu, ce vide n'a rien à voir avec la vacuité authentique, il n'est qu'une fabrication mentale. Certains méditants cherchent à calmer l'esprit en le faisant sombrer, en le tirant vers le bas. Ils tentent de faire disparaître l'agitation en confinant l'esprit, comme dans une boîte. Les énergies se resserrent alors au niveau du cœur, donnant l'impression que le calme est obtenu. Cependant, aucune luminosité ne se révèle, mais au contraire l'esprit est sombre et lourd et s'enfonce dans la torpeur et l'inconscience. Si l'on persiste dans cette voie, un véritable malaise s'installe, qui conduit à une irritation de plus en plus intense. Finalement, le refoulement est tellement intense qu'il explose en colère.

Toutes ces erreurs proviennent de la volonté d'enfermer l'esprit dans des représentations conceptuelles, de le réduire à l'une ou l'autre idée qui contrarie sa liberté et son espace naturel. Cela est la cause de toutes les perturbations et de toutes les souffrances rencontrées dans la méditation. Il est important que chaque méditant découvre et reconnaisse dans quel type d'erreur il tombe. En effet, ce n'est qu'une fois que nous avons vu clairement quelle erreur nous commettons, que nous pouvons nous en défaire. [...]

Pour pouvoir véritablement méditer, nous devons nous défaire de l'espoir que notre esprit puisse rester stable longtemps, et de la crainte qu'il devienne agité et envahi par les pensées. Acceptons le fait que, quel que soit l'état de l'esprit, c'est toujours l'esprit. Quand il est calme, c'est l'esprit. Quand il est agité et produit des pensées, c'est encore l'esprit. Et ce qui est conscient de ces différents états, c'est toujours l'esprit. Il n'y a donc aucun sens à établir une séparation artificielle entre l'esprit et les pensées, ou de préférer le calme au mouvement, car les deux sont également l'esprit. Il est vain de préférer l'un au détriment de l'autre. Alors, laissons simplement l'esprit reposer dans sa luminosité, sa radiance naturelle, sans interférer le moins du monde sur le mouvement des pensées. Reconnaissons que l'esprit est dépourvu d'apparition et de cessation : il est non né, sans commencement et sans fin, spontanéité pure. De ce fait, il est absurde de souhaiter ne connaître qu'une seule forme d'esprit, l'esprit calme, et de redouter de rencontrer l'esprit actif. Abandonnons l'espoir ou la crainte, et laissons l'esprit être ce qu'il est, tel qu'il est, naturellement libre, sans nous attacher à l'un ou l'autre de ses moments.

Il ne faut pas penser que méditer signifie essayer d'être meilleurs que nous ne le sommes actuellement, parce que nous ne faisons alors que nous laisser aller à l'espoir, et cette attente est vaine. Nous devons prendre conscience que la véritable nature de l'esprit est la nature de bouddha, et qu'il n'y a rien à chercher puisque cette dimension éveillée demeure déjà en nous. Pour cette raison, Tilopa, le grand maître indien, disait qu'il fallait être fou et ignorant pour chercher la bouddhéité à l'extérieur de soi. Certains développent beaucoup d'efforts pour chercher cette bouddhéité, et ils ne font que se fatiguer sans aucun résultat. Il faut reconnaître que la nature de bouddha est en nous, et qu'elle n'est pas quelque chose de différent de nous-mêmes, qui doit être produit ou créé. Il faut simplement la laisser se révéler. Cela ne s'accomplit que lorsque nous nous sommes défaits de toute forme d'attachement. Si nous laissons l'esprit se détendre, sans poursuivre aucune pensée ni aucun but, la véritable dimension de notre esprit, la nature de bouddha, se manifeste d'elle-même.

Lorsque nous commençons à méditer, nous avons souvent l'impression qu'il y a davantage de pensées et d'agitation mentale que lorsque nous ne méditions pas. Cette impression, commune à tous les pratiquants, est fausse. Du fait de la méditation, une plus grande conscience de l'état de l'esprit se développe. Notre esprit devenant plus clair, nous percevons à présent le mouvement des pensées qui nous échappait jusque-là. Dans l'état ordinaire, lorsqu'il ne médite pas, l'esprit est comme assoupi. Il n'est pas du tout conscient du flot incessant des pensées qui le traverse. Pour cette raison, la découverte de l'importance du flot mental dans la méditation n'est pas une faute en soi. C'est au contraire un progrès dû au développement de la méditation. Quelles que soient les pensées qui s'élèvent, regardons directement l'essence de chacune d'elles. Quand nous percevons leur essence, nous voyons l'essence de l'esprit, sa réalité, le dharmata , la dimension ultime, le dharmakaya. À chaque fois qu'une pensée survient, entraînons-nous à en reconnaître l'essence. Nous serons alors à même de découvrir le jeu incessant de l'esprit dharmakaya. Toutes les pensées qui vont et viennent ne sont plus réelles, mais sont le jeu de la créativité naturelle de l'esprit, l'expression spontanée de la réalité.

Lama Guendune, « Mahamoudra ».

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