Chasse aux sorcières en Inde
Une réunion organisée vendredi dernier dans l’Assam (Nord-Est) a permis de soulever à nouveau le problème des exactions commises contre les "sorcières" des villages de certaines régions en Inde, où les superstitions sont encore vivaces.
Rashmi Rabha et sa famille ont quitté leur maison depuis plusieurs mois déjà. Avant d’être chassées du village, Rashmi et sa fille de 18 ans ont été battues en public puis contraintes d’abandonner leur travail. Pour les habitants de ce petit village du Meghalaya (Nord-Est), les deux femmes sont des sorcières.
"J’ai dû trouver un abri chez un membre de ma famille dans un autre village, où je suis restée plusieurs mois avec ma fille, mon fils, mon beau-fils et mon petit-fils", a-t-elle déclaré. Sa fille aînée, restée au village, a tenté de protester avant de plier sous la menace et d’être poussée au suicide.
Elles seraient plusieurs centaines en Inde à subir ainsi les persécutions des voisins et des proches, et près de 200 à être tuées tous les ans pour "sorcellerie". Les accusées sont alors battues à mort, pendues, ou enterrées vivantes. Cette superstition sévit surtout dans les régions reculées du pays. Selon une ONG de l’Uttarakhand (Nord) spécialisée dans les droits et le règlement des litiges dans les milieux ruraux, l’Etat du Jharkhand compte le nombre le plus élevé de crimes liés à ce type d’accusation, avec 50 à 60 cas par an. L’Andhra Pradesh, l’Haryana et l’Orissa font également partie des Etats où le nombre de victimes peut monter à trente chaque année. Selon une étude publiée par l organisation en 2010, plus de 2500 femmes accusées de pratiquer la magie noire auraient été tuées ces quinze dernières années.
Misère et ignorance
"Ces régions sont confrontées à une pauvreté criante, avec un accès limité ou inexistant aux services de santé et à l’éducation. Dans ces circonstances, la superstition gagne une place importante", expliquait Ahluwalia, travailleuse social, pour un WeNews. Une mauvaise récolte, un décès, la perte d’un enfant, ou une maladie seront l’occasion de faire appel à ces croyances irrationnelles.
Cité par Women News Network dans un récent article, Kanchan Mathur, professeur à l’Institut des Etudes sur le Développement en Inde soulignait en particulier la vulnérabilité des "femmes pauvres, issues de castes inférieures". Les premières victimes seraient cependant les veuves et les femmes célibataires, ciblées pour leurs terres et leurs économies. "La convoitise de biens est une des raison derrière les meurtres pour sorcellerie", analyse ainsi le responsable d’une association de soutien, l'Andra Shraddha Nirmulan Samiti. Dans le cas de Rashmi Rabha, la victime explique que son neveu était à l’origine des rumeurs : "il a tenté de confisquer ma maison en nous accusant de sorcellerie et en déclarant que nous voulions faire du tord aux autres habitants du village."
Seuls quelques Etats comme le Jharkhand, le Bihar et le Chattisgarh ont entériné une loi concernant la "chasse aux sorcières". Une pétition rédigée à l’intention de la haute cour de justice pour un renforcement de la loi à ce sujet a été rejetée en mars 2010.
Des initiatives à l’échelle associative et individuelle ont cependant été lancées depuis. Le "Projet Prahari", mené par un inspecteur général de la police à Kokrajhar, a ainsi permis de contrer ces pratiques par une formule mêlant développement participatif et politique communautaire. Son succès pourrait inspirer les administrateurs sur une plus vaste échelle.
Yé-rinne Park.
Photo : Les femmes accusées de sorcellerie sont humiliées sur la place publique, notamment en se faisant raser la tête comme ici au Bihar.
Source :
http://inde.aujourdhuilemonde.com/en-inde-la-chasse-aux-sorcieres-continue