Friday, March 16, 2007

LA VIOLENCE RELIGIEUSE
(Extrait de Regards Croisés, Marc BOSCHE et F.Félix)

FF : Mon expérience du monachisme tibétain en Inde n’a pas été très positive. J’ai été ordonné au monastère tibétain de MENRI. La tradition de MENRI est traitée par Christelle MOEBS dans ce blog . Ce monastère est situé dans la région himalayenne de l’Inde, dans l’état de l’Himachal Pradesh. Le lieu est d’une grande beauté. La communauté tibétaine de DOLANJI, qui a construit le monastère, est relativement isolée. Seul un vieux car poussif permet de relier la ville de SOLAN, située à une heure de route. Le monastère échappe ainsi au vacarme indien encouragé par la seule règle respectée des automobilistes : " HORNE PLEASE ! "Menri est une sorte d’université monastique qui forme d’excellents docteurs en sciences traditionnelles, les fameux guéshés experts des joutes oratoires bruyantes, leurs arguties sont ponctuées par de foudroyants claquements de mains. Depuis quelques années, de plus en plus de jeunes moines rêvent de se rendre en Occident sur les traces des vedettes du bouddhisme tibétain, les coqueluches des centres du dharma.

Au début, des années 2000, le monastère était en travaux. Les petits orphelins n’étaient pas épargnés par les corvées. J’étais au monastère durant l’hiver 2001-2002, le spectacle d’enfants en haillons, parfois nu-pieds, obligés de gravir les pentes d’une colline le dos chargé de briques, était insupportable. Les plus jeunes (environ quatre ou cinq ans) pleuraient sans cesser de travailler. Un moine impassible surveillait les enfants. L’orphelinat fonctionnait selon des normes d’un autre âge. Les jeunes moines étudiants ne se souciaient que de leur réussite, les familles payaient leurs études et exigeaient des résultats. L’ambiance était délétère, Je décidai de m’écarter.

Je recherchais une maison à louer dans la vallée. L’abbé était d’accord. Cependant, l’éloignement du marché du Solan me posait des problèmes. Je ne pouvais pas communiquer avec les fermiers locaux pour acheter à un prix raisonnable mes aliments. Au monastère, j’avais sympathisé avec un jeune aide cuisinier, âgé de douze ou treize ans. Il s’exprimait en anglais. J’aimais son humeur toujours joyeuse. L’adolescent était débrouillard et intelligent. Il pouvait m’aider à m’installer dans la vallée contre une honnête rémunération. Lors d’une promenade matinale autour du monastère, chapelet en main, un attroupement de curieux se dissipa à mon arrivée. On lisait sur les visages le malaise de ceux qui ont assisté à un spectacle honteux. Les personnes s’écartaient et je reconnu le jeune aide cuisinier en fâcheuse posture. Un moine colossal le soulevait de terre d’une main et de l’autre le frappait avec un gourdin. Avant que je parvins à formuler ma question sur les raisons d’une telle violence, le colosse disparut avec sa proie.

Un moinillon et le jeune aide cuisinier étaient accusés de vol. Le moine à la carrure de yéti était le toulkou responsable de l’orphelinat. Un travailleur indien me révéla l’endroit où étaient interrogés les enfants. Malheureusement, des moines s’opposèrent fermement à mon entrée dans le bâtiment. Ils étaient déterminés à me faire rebrousser chemin par la force. Puis, les prisonniers disparurent de ce lieu. Durant, plusieurs jours, j’harcelais Frédéric, le moine français, qui est maintenant le secrétaire de l’abbé de MENRI, pour tenter de voir les accusés. Frédéric n’arrivait pas à découvrir l’endroit de leur détention. " Et, de toute façon, serait-il possible de les rencontrer ? " s’interrogeait le moine, mon aîné de deux années dans la profession monastique.

Je quittai pour toujours la triste université. Le moine français ne m’a jamais communiqué la moindre information sur le sort des enfants. Ce silence est lourd, très lourd. Il pèse dans ma décision de dénoncer le cléricalisme féodal tibétain.

Votre travail d’information sur le bouddhisme pourra-t-il provoquer un revirement des mentalités ? Percevez-vous une volonté d’affranchissement des hiérarchies, des croyances et du mercantilisme qui discréditent le bouddhisme occidental ?

Marc B. : J’ai lu avec émotion votre narration de la brutalité avec laquelle ont été traités ces deux enfants au sein même de la communauté indienne dans laquelle vous vous étiez établi. Vous avez quitté ce monastère après avoir en vain essayé de retrouver ces jeunes, de savoir s’ils étaient sains et saufs, et c’est la seule chose que j’aurais également trouvé à faire. Les récits de brutalité au sein des monastères de tradition himalayenne sont arrivés jusqu’en Occident désormais et dans la page en anglais du site bouddhismes.info on trouve quelques extraits d’auteurs qui y font directement et explicitement référence. Des précepteurs chargés de la discipline circulaient armés d’un gros gourdin. Il était fréquent qu’une geôle existât pour les malheureux. J’ai lu même que certains de ces gros bras monastiques chargés de la discipline et du gourdin dans ces mondes sans femme avaient la réputation de trouver leurs partenaires sexuels dans les rangs des jeunes garçons et adolescents du monastère qui devenaient discrètement les victimes de leur abus d’autorité. La page de citations anglaise de http://bouddhismes.info/19.html cite des extraits explicites comme celui-ci.Anh Do & Teri Sforza http://www.urbandharma.org/bmonk/boymonk3.html :" Punishment for rule-breakers was severe. Each monastery had a disciplinarian called an "iron club" lama, who was responsible for maintaining order. Monks who appeared to nod off during prayers or classes were beaten with wooden prayer beads or switches for what was said to be their own good. It didn't matter if the offending monks were young or old; if they broke the rules, they met the same fate. Kusho cringed as a monk he knew was beaten in front of him for mischievousness; the sights and sounds of it haunted him. He felt terrible for the boy every time he saw him.It was so hard to make friends. He worked hard to fit in and avoid the whip. "More on this topic http://www.urbandharma.org/bmonk/boymonk3.html
En déroulant la page http://bouddhismes.info/19.html (vers le bas de page) vous trouverez d’autres citations qui évoquent aussi les abus sexuels sur enfants. Vous aurez aussi sous les yeux des photos de moines armés de gourdins. Voici un extrait d’un autre auteur dont voici d’abord la carte de visite : Richard S. Ehrlich is from San Francisco, California, and first journeyed to Asia in 1972. Reporting news from across Asia since 1978, his bases have included Hong Kong, New Delhi, and now Bangkok. His coverage has focused on the guerrilla wars in Afghanistan, Kashmir, Punjab, Sri Lanka and Cambodia, as well as the region’s cultures and other events. He received his Master’s degree from Columbia University’s Graduate School of Journalism, and won their 1978 Foreign Correspondents Award." A Tibetan told me: "He stopped being a monk after five years because his monastery's senior lama beat novices with a stick during scripture examinations. Tibetan Buddhist monasteries often mete out such child abuse. During the Dalai Lama's time, before he fled Tibet in 1959, head lamas in his Potala Palace beat errant monks for gambling or other naughty behavior. "If you delve into Tibetan affairs a bit deeper you'll discover Tibetan monks beating their students in monasteries in and out of Tibet is nothing new. "Richard S. Ehrlich also wrote http://www.escapeartist.com/efam/40/Tibet.htmlEncore un autre auteur nous en parle : Michael Parentis The Tibet Myth http://www.swans.com/library/art9/mparen01.html/t_blank"Young Tibetan boys were regularly taken from their families and brought into the monasteries to be trained as monks. Once there, they became bonded for life. Tashì-Tsering, a monk, reports that it was common practice for peasant children to be sexually mistreated in the monasteries. He himself was a victim of repeated childhood rape not long after he was taken into the monastery at age nine. […] The monastic estates also conscripted peasant children for lifelong servitude as domestics, dance performers, and soldiers. "L’histoire évoquée ci-dessus de Tashi Tsering est particulièrement révélatrice à cet égard puisque c’est lui qui a raconté comment il avait été violé fréquemment au sein de son monastère où il était arrivé à l’âge de neuf ans. Voici les coordonnées de son livres paru aux Etats-Unis : Melvyn Goldstein, William Siebenschuh, and Tashì-Tsering, " The Struggle for Modern Tibet: The Autobiography of Tashì-Tsering " Armonk, N.Y.: M.E. Sharpe, 1997. Je n’ai pas pu vérifier ces sources et les cite telles quelles, mais leur variété suggère qu’il y a bien (eu) un vrai problème avec la brutalité dans certains monastères lamaïstes des Himalayas. Je crois qu’il devrait y avoir un code éthique : les donateurs occidentaux en particulier associatifs ne devraient donner que si un monastère passe le test de la non violence. Il pourrait y avoir des visites anonymes, et il ne serait pas si difficile de se faire une idée sur la qualité des soins qui sont donnés aux enfants. Regardez comme on a reproché récemment à Apple de faire produire son iPod par des salariés exploités plus de soixante heures en Chine. Aussitôt, craignant la mauvaise publicité Apple a dépêché une mission et a vérifié et resserré les conditions de sa charte éthique avec l’entreprise productrice. Pourtant ces entreprises multinationales ne sont pas forcément des missions humanitaires, mais lorsque les circonstances l’exigent elles font quand même correctement leur travail, balayent devant leur porte, remettent les choses en ordre efficacement, et posent des conditions éthiques qui sont alors méticuleusement vérifiées sur le terrain. Pourquoi ce que font correctement les hommes d’affaires mus par l’intérêt financier ne pourrait pas être accompli aussi au minimum par des personnes se targuant de hautes valeurs spirituelles de sagesse et de compassion, n’est-on pas en droit de l’exiger ?

Dans son livre « Souvenir de voyage dans la Tartarie et le Thibet », le Père Huc, de passage dans la grande lamaserie de KUMBUM, écrit quelques lignes sur la violence des lamas :

« La discipline de la lamaserie est vigilante et sévère. Dans les Facultés pendant les heures des cours, et au chœur pendant les récitations des prières, on voit toujours les lamas censeurs debout, appuyés sur une barre de fer, et maintenant parmi les religieux le bon ordre et le silence. La moindre infraction à la règle est sur le champ réprimée, d’abord verbalement, et, s’il en est besoin, à coups de barre de fer. Les vieillards, pas plus que les jeunes chabis, ne sont à l’abri de ces terribles corrections.

Les lamas satellites sont chargés de la police de la lamaserie ; ils sont costumés de la même manière que les autres lamas, à la seule différence que leurs habits sont de couleur grise, et qu'ils portent une mitre noire. Le jour et la nuit, ils circulent dans les rues de la cité, armés d’un gros fouet, et rétablissent l’ordre partout où le besoin l’exige. Trois tribunaux, où siègent les lamas juges, connaissent des affaires qui sont au-dessus des lamas satellites. Ceux qui se rendent coupables du plus petit larcin sont expulsés de la lamaserie, après avoir été marqués au front et sur les deux joues d’un signe d’ignomie avec un fer rouge. »